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Concerts et récitals

Faust damné pour les 90 ans de l’ONF à Paris

30/03/2024
Paul Gay (Méphistophélès) et Frédéric Caton (Brander), au second plan. © Radio France/Christophe Abramowitz

Théâtre des Champs-Élysées, 21 mars

L’Orchestre National de France est né en 1934, et pour fêter ce 90e anniversaire, Radio France a eu l’idée d’organiser un jubilé de quatre concerts, du 21 au 30 mars, qui s’est ouvert avec La Damnation de Faust. Cette soirée avait été annoncée avec la participation de deux chanteurs, dont on attendait beaucoup, Stanislas de Barbeyrac et Jean Teitgen, l’un et l’autre débutant en Faust et Méphistophélès, mais leur défection avait un peu refroidi notre enthousiasme.

Il est vrai que John Irvin, appelé à la rescousse pour chanter Faust, n’a aucunement les moyens du rôle, comme il l’avait hélas montré, en février 2023, dans son enregistrement publié par le London Philharmonic Orchestra (LPO), sous la direction musicale d’Edward Gardner. Le timbre aigrelet, les aigus en voix de tête incertains, il chante les bras collés au corps, sans parvenir une seconde à incarner le personnage, même s’il sauve les meubles dans l’« Invocation à la nature », aidé par un chef, Cristian Macelaru, qui fait tout pour ne pas l’engloutir.

Paul Gay, qui constitue la très bonne surprise de ce concert, ne fait qu’une bouchée du ténor américain, et ce dès ses premières répliques. Chemise noire, pantalon rouge, fière allure et aisance de chaque instant, voilà un Méphistophélès comme on les aime, l’articulation précise, la voix tonnante, même si elle paraît très légèrement usée. D’un œil, d’un geste, d’une inflexion, le baryton-basse français montre qu’il est le maître de la situation : son entente avec le chœur, dans la « Sérénade », est d’un naturel confondant, et son intelligence du personnage nous fait jubiler à chacune de ses interventions.

Si Frédéric Caton met la bonne humeur qui convient la « Chanson du rat » de Brander, Stéphanie d’Oustrac est un peu en deçà de la mémorable Marguerite qu’elle avait livrée, en août 2023 (voir O. M. n° 196 p. 61 d’octobre), à La Côte-Saint-André. Le fruité du timbre est toujours là, ainsi que l’engagement, l’espièglerie, la sensualité. Mais la mezzo française paraît mal préparée, reste prudente dans la « Ballade du roi de Thulé » et ne se livre vraiment qu’à la toute fin de la « Romance », où l’on sent qu’elle pourrait emmener très loin l’orchestre et le chef.

On avait admiré, sans réserve, la prestation de l’Orchestre National de France, à la Philharmonie de Paris, sous la baguette de Charles Dutoit, en février 2019 (voir O. M. n° 148 p. 72 de mars). Cinq ans plus tard, ses couleurs sont toujours aussi belles (le cor anglais de la « Romance », les clarinettes, les cors), les cordes, aussi ductiles (le vibrato contrôlé du « Ballet des sylphes », les crépitements de la « Course à l’abîme »), et Cristian Macelaru soigne les nuances autant que les équilibres – son « Menuet des follets » est un modèle d’élégance, comme de clarté. Il manque toutefois, au chef roumain, ce supplément de folie qui permettrait d’embraser le plateau.

Le Chœur de Radio France, lui, est tout à fait à son affaire, tour à tour diaphane ou turbulent. On regrette, néanmoins, que la Maîtrise n’ait pas été invitée à l’« Apothéose de Marguerite », où elle fait habituellement merveille.

CHRISTIAN WASSELIN

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