Créée au Covent Garden, en 2015, cette production d’Orphée et Eurydice a été filmée à la Scala, en mars 2018. À Milan comme à Londres, Juan Diego Florez tenait le rôle principal et l’on ne peut que rester admiratif devant son interprétation qui, dix ans plus tôt, au Teatro Real de Madrid, avait déjà fait figure d’événement (voir O. M. n° 31 p. 50 de juillet-août 2008).

Pour défendre au mieux la version française de l’ouvrage (Paris, 1774), le ténor péruvien a aujourd’hui tous les atouts dont on peut rêver : prononciation impeccable, expression passionnée, élégance des accents, subtilité des nuances. Scéniquement aussi, son personnage existe, avec juste ce qu’il faut d’ardeur et de poésie. Si on la compare avec les témoignages discographiques de Léopold Simoneau, Roberto Alagna ou Richard Croft, son approche d’Orphée est à la fois la plus moderne et la plus émouvante. Pas de maniérisme suranné, ni de romantisme trop appuyé, juste un classicisme où les sentiments les plus vifs s’expriment avec noblesse.

Mieux que le CD gravé sur le vif à Madrid, sous la baguette de Jesus Lopez Cobos (Decca), ce DVD place Juan Diego Florez au centre d’un ensemble musical d’excellent niveau. Christiane Karg et Fatma Said ne sont pas de simples faire-valoir dans Eurydice et l’Amour. L’une et l’autre ont une présence affirmée, une approche stylistique irréprochable.

On en dira autant des chœurs et de l’orchestre de la Scala, placés sous la direction de Michele Mariotti, qui sait parfaitement dégager les éléments novateurs de cette version de 1774, sans aucune sécheresse, avec, jusque dans les passages les plus « décoratifs », une énergie jamais superflue.

Lors de sa création à Londres, Jean-Marc Proust avait dit tout le bien qu’il pensait de cet « étonnant spectacle à trois niveaux », permettant un mariage idéal entre les instrumentistes, les danseurs, les choristes et les trois solistes (voir O. M. n° 111 p. 48 de novembre 2015). Réglés par Hofesh Shechter – l’un des deux metteurs en scène, avec John Fulljames –, les ballets n’échappent pas toujours à une vaine gesticulation. Mais la « pauvreté d’inspiration » signalée par notre confrère est compensée, en grande partie, par la réalisation de Tiziano Mancini et l’intelligence de ses cadrages.

PIERRE CADARS

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