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Wexford fait son théâtre dans le théâtre (2)

18/11/2024
Ava Dodd (Tilburina). © Patricio Cassinoni

O’Reilly Theatre, 1er novembre

Cinq ans après avoir exhumé The Veiled Prophet, en version de concert, Wexford rend, à nouveau, hommage à Charles Villiers Stanford (1852-1924), à l’occasion du centenaire de sa disparition. Pour une édition 2024 ayant pour thème le « théâtre dans le théâtre », le choix de The Critic s’imposait : en 1915, le compositeur irlandais eut l’idée d’exhumer une pièce de son illustre compatriote Richard Brinsley Sheridan et d’en faire un opéra.

Opéra ? Pas exactement. Ouvrage assez composite, mêlant théâtre et pages symphoniques au genre lyrique, The Critic est de nature à donner raison à ceux qui qualifiaient l’œuvre, créée à Londres, en 1916, d’« Ariadne auf Naxos du pauvre ».

La soirée s’ouvre avec un Prologue parlé d’une dizaine de minutes, où un dramaturge mégalomane et un compositeur/directeur de salle s’accordent pour inviter un critique à la répétition générale de leur nouvel opéra – une œuvre élisabéthaine reposant sur un scénario sans queue ni tête, et accumulant joyeusement quelques poncifs du genre lyrique, notamment une scène de retrouvailles, où un tatouage permet aux parents d’identifier leur fils disparu, depuis son enlèvement par des pirates…

Bien sûr, rien ne se passe comme prévu, la dimension farcesque étant encore accrue par la révolte des protagonistes du drame, qui vont critiquer l’histoire qu’on veut leur faire jouer. Le tout donne une « mise en abyme » assez traditionnelle – sauf que les commentaires parlés des trois barbons viennent, en permanence, interrompre le développement de la musique ou se superposer à elle.

Le procédé devient rapidement irritant, d’autant qu’il y a de belles choses dans la partition de Charles Villiers Stanford. L’homme avait, certes, les goûts très larges – on le lui reprocha maintes fois –, mais du talent. Quand il cite, avec insistance, la Symphonie n° 9 de Beethoven, le gag est assumé comme tel, mais quand son grand chœur du I évoque Die Meistersinger von Nürnberg, on est plutôt dans l’hommage brillant, quoique pas vraiment discret.

Les longs passages orchestraux sont, en revanche, moins inspirés et on garde, au final, le sentiment d’une pièce de caractère, touffue mais confuse, et peu susceptible de parler à un public d’aujourd’hui. Le rôle éponyme n’est, ici, que celui d’un observateur, la charge parodique portant, surtout, sur l’auteur de la pièce et le compositeur, qui l’a mise en musique.

De la distribution, on retiendra le ténor Dane Suarez, vocalement brillant, ainsi que l’éblouissante soprano Ava Dodd. Dans la fosse, Ciaran McAuley fait ce qu’il peut pour donner un semblant de cohérence à l’œuvre, tandis que, sur le plateau, Conor Hanratty signe une mise en scène au premier degré, avec quelques gags potaches, qui viennent se rajouter à ceux de l’opéra.

En somme, rien d’inoubliable.

NICOLAS BLANMONT

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