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Sabine Devieilhe, Lakmé profonde et cristalline à Strasbourg

10/11/2023
Sabine Devieilhe (Lakmé). © Klara Beck

Opéra, 7 novembre

Décidément, nous ne nous lasserons jamais de voir et d’entendre Sabine Devieilhe en Lakmé. Qu’ajouter à ce que nous avons déjà écrit depuis sa prise de rôle, en 2012, à Montpellier ? La perfection du chant demeure intacte, point d’appui d’une interprétation à chaque fois plus accomplie, par la grâce d’une syllabe accentuée d’une manière subtilement différente, ou d’un pianissimo encore plus cristallin.

À Strasbourg, nous avons été particulièrement frappé par la profondeur et l’intensité de l’incarnation, encore plus prégnantes que lors de la création de la mise en scène de Laurent Pelly, à l’Opéra-Comique (voir O. M. n° 187 p. 54 de novembre 2022), coproduite avec l’Opéra Nice Côte d’Azur et l’Opéra National du Rhin. Le mélange de fougue suicidaire et de résignation, qui caractérise Lakmé au dernier acte, cloue littéralement le spectateur dans son fauteuil.

Est-ce parce que Julien Behr joue mieux cette scène finale que Frédéric Antoun, à Paris ? Pour le ténor français, mozartien de haute volée et Pelléas d’excellence, Gérald s’inscrit dans une nouvelle orientation de carrière, tournée vers la conquête des grands emplois de « demi-caractère » (Roméo et Werther figurent déjà sur son agenda). La qualité de son timbre, la chair de son médium et de son grave, la beauté de sa diction, sont des atouts de poids dans ce répertoire. Reste, maintenant, à assouplir le phrasé, encore trop raide, et, surtout, à libérer l’aigu, qui coince et ne passe pas toujours la rampe. Gageons que cet artiste intelligent résoudra rapidement le problème.

Débuts, encore, pour Nicolas Courjal, qui enchaîne les prises de rôles à une cadence impressionnante : Marcel (Les Huguenots), Mefistofele et Escamillo (Carmen), ces six derniers mois, Don Quichotte et Zaccaria (Nabucco), plus tard dans la saison 2023-2024. Tessiture et style étant, à chaque fois, différents, le résultat est inégal. Se glissant, avec une aisance confondante, dans une mise en scène conçue pour Stéphane Degout, la basse française campe un Nilakantha dramatiquement saisissant. Vocalement, en revanche, l’autorité de l’émission ne fait pas toujours oublier un vibrato prononcé sur certaines notes, surtout dans l’aigu.

Comme à l’Opéra-Comique, Ambroisine Bré forme un séduisant duo avec Sabine Devieilhe, mais nous préférons, décidément, un instrument plus sombre et plus grave pour Mallika. Comme à Nice (voir O. M. n° 197 p. 75 de novembre 2023), Lauranne Oliva, Elsa Roux Chamoux et Guillaume Andrieux sont impeccables en Ellen, Rose et Frédéric, à l’instar du reste de la distribution. Parfois en décalage, au I et au II, le Chœur de l’Opéra National du Rhin se rattrape au III, absolument superbe.

À la tête d’un Orchestre Symphonique de Mulhouse qui s’améliore au fil de la soirée, Guillaume Tourniaire fait preuve d’un bon sens de l’équilibre fosse/plateau et soutient bien les chanteurs. Contrairement à Raphaël Pichon, à Paris, et Jacques Lacombe, à Nice, il dirige, en guise d’entracte entre le I et le II, un fragment du « Ballet des Bayadères », que Laurent Pelly, décidément, aurait dû conserver dans son intégralité, à la place voulue par Delibes. Même dans cette production, débarrassée de tout folklore, nous restons convaincu qu’il était possible de l’intégrer.

RICHARD MARTET

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