Depuis qu’elle existe, l’automobile attire les chanteurs d’opéra. Pour le plaisir qu’elle leur procure au volant, mais également pour les symboles qu’elle véhicule, du moins dans ses versions haut de gamme : luxe, vitesse, liberté… Ils ont été nombreux à se faire immortaliser devant, ou l’intérieur, d’une voiture. Nous en avons choisi un bouquet, tous entrés dans la légende de l’art lyrique.
Enrico Caruso, photographié en train de faire démarrer une voiture non identifiée, en 1920. Le légendaire ténor italien (1873-1921), passé maître dans l’art de la communication, ne manquait pas une occasion de se faire immortaliser dans des situations de la vie quotidienne, loin des scènes d’opéra.
Georges Thill, photographié dans le jardin de sa maison du Pecq, dans les Yvelines, devant une Hispano Suiza. Le plus grand ténor français du XXe siècle (1897-1984), amateur de voitures, en possédait plusieurs. Passionné de vitesse, il eut un grave accident de la route, en 1934, qui le contraignit à quelques mois de repos forcé.
Richard Tauber, au volant de sa Mercedes-Benz (modèle K 24/100/140 PS), en 1928. Assise à l’arrière, sa première épouse, Carlotta, dont il divorça la même année. Le célèbre ténor autrichien (1891-1948), éminent mozartien et créateur de la plupart des opérettes de Franz Lehar (Frasquita, Paganini, Der Zarewitsch, Das Land des Lächelns…), appréciait, comme beaucoup de ses confrères, les luxueuses automobiles.
Mario Del Monaco, photographié au volant de son coupé Rolls Royce, en 1970, devant sa villa de Lancenigo, près de Trévise. Encore un fou de voitures de luxe, au point de les collectionner ! Partenaire d’élection de Maria Callas et Renata Tebaldi, l’illustre ténor italien (1915-1982), comme Georges Thill, fut victime d’un accident de la route, en 1963, mais bien plus grave, puisqu’il faillit lui coûter sa carrière.
Giuseppe Di Stefano, photographié au volant d’une Ferrari 250 GT. Le ténor italien (1921-2008), grand rival de Mario Del Monaco (il enregistrait, pour EMI, les mêmes rôles que son aîné, pour Decca), était particulièrement attiré par les voitures de sport, dans lesquelles il faisait de longues virées nocturnes, parfois la veille d’une représentation. Brûlant la vie par les deux bouts, se dépensant sans compter en scène, il abima rapidement sa voix, dans l’absolu l’une des plus belles du XXe siècle.
Renata Scotto, photographiée au volant d’une voiture non identifiée, à New York, en 1969. La regrettée soprano italienne (1934-2023), disparue le 16 août dernier, soigne son image avec ce cliché, symbole d’émancipation et de joie de vivre.
Peter Hofmann, photographié au volant de sa Rolls-Royce Silver Cloud, à Bayreuth, en 1980. Le ténor allemand (1944-2010) est alors l’une des coqueluches du festival fondé par Richard Wagner, à la fois pour ses qualités vocales et son physique de héros blond. Cette année-là, il y reprend Siegmund, dans la légendaire Tétralogie dirigée par Pierre Boulez et mise en scène par Patrice Chéreau, ainsi que Lohengrin.
Jonas Kaufmann, photographié devant la nouvelle BMW 7 Series, en 2016. Le ténor allemand (né en 1969), ambassadeur de la marque depuis 2009, adore les voitures. Il les aime tellement que, dans une interview à Elle, en 2008, il n’hésitait pas à filer la métaphore automobile : « Ma voix, c’est comme une voiture : si tu restes avec sur l’autoroute, tu fatigues le moteur, si tu roules toujours en montagne, pareil. C’est la variété qui fait du bien. »
Cecilia Bartoli, photographiée sur le capot d’une Alfa Romeo Spider, au début des années 1990. La mezzo-soprano italienne (née en 1966) est, à l’époque, en pleine construction de son image, après son fulgurant début de carrière, à la scène puis au disque (1987-1989). Ces clichés font partie d’une opération de communication qui, apparemment, porte ses fruits puisque, le 23 février 1992, le Los Angeles Times écrit, en tête d’une interview : « Cette mezzo de 25 ans a vu sa carrière démarrer à peu près à la même vitesse que l’Alfa Romeo qu’elle adore conduire dans les rues de sa Rome natale. »
Herbert von Karajan, photographié dans sa Mercedes 300 SL, à Lucerne, en 1957. Il n’était certes pas chanteur, mais il est impossible d’aborder le thème des rapports entre artistes et voitures sans accorder une place au monumental chef autrichien (1908-1989). Également passionné de bateaux et d’avions, Herbert von Karajan était un fou d’automobiles, de sport, de luxe… Il en posséda de nombreuses au cours de sa vie, avec une prédilection pour la marque Porsche. La Mercedes qu’il conduit ici est une voiture de légende : dite « Papillon », commercialisée entre 1954 et 1963, elle est considérée comme la plus emblématique produite par la firme, après la Seconde Guerre mondiale, pour son originalité, mais aussi pour ses qualités techniques et esthétiques.
RICHARD MARTET
