Intermezzo Maria Callas, icône de mode
Intermezzo

Maria Callas, icône de mode

02/11/2023
© Keystone/Bridgeman Images

« Il y a le devoir pour une cantatrice d’être présentable. Le devoir de ressembler, autant que faire se peut, à ce qu’il faut être : une femme belle », déclarait Maria Callas. Celle que son mari même, Giovanni Battista Meneghini, trouva « difforme, de la taille aux pieds », la première fois qu’il la vit, parvint néanmoins, au terme d’un régime draconien, alors que sa carrière battait son plein, grâce, donc, à une volonté de fer, à façonner son physique à l’image d’Audrey Hepburn – dont la plastique était la moins plantureuse, d’ailleurs, de l’Hollywood d’alors. Prima donna en passe, déjà, en 1954, d’être sacrée assoluta, la cantatrice devint, silhouette longiligne aux traits si singuliers de tragédienne antique, l’un des phares de l’élégance des années 1950 à 1970, à l’égal des stars de cinéma et des têtes couronnées, parmi lesquelles, sa voix, peu à peu, vacillant, elle commença à évoluer. Signés Van Cleef & Arpels ou Harry Winston, ses joyaux, pierres précieuses arborées, d’abord, tels les trophées de ses exploits lyriques, lui donnaient l’éclat d’une reine. À l’occasion du centenaire de sa naissance, Opéra Magazine fait scintiller cette autre facette de la diva.


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Non, ceci n’est pas une photo de scène ! Invitée à l’Imperial Ball for the Hospitalized Veterans Service, à l’hôtel Waldorf Astoria de New York, en janvier 1957, par la chroniqueuse et organisatrice d’événements mondains, Elsa Maxwell, qui allait lui présenter Aristote Onassis, quelques mois plus tard, Maria Callas fut, assurément, la reine de la soirée, dans son extravagant costume d’Hatchepsout, et parée de bijoux d’émeraudes et de diamants, prêtés pour l’occasion par la joaillerie Harry Winston.


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Moment d’intimité, où « La Divina »,toujours à la pointe de la mode, se remaquille, sur fond de papier peint outrageusement « sixties ».


© Mario Dondero. All rights reserved 2023/Bridgeman Images

Dans son livre de souvenirs, et de règlement de compte, Maria Callas, mia moglie, coécrit avec Renzo Allegri (Rusconi Libri, Milan, 1981/Flammarion, 1983, pour la traduction française), Giovanni Battista Meneghini (1895-1981) décrit le goût de son épouse pour les tableaux et bibelots anciens qui ornaient leur intérieur. La voici, le 19 juin 1955 – quelques jours après la fin de l’enregistrement du récital Callas at La Scala –, chez un antiquaire de la Via Montenapoleone, admirant un chien de Fô chinois, dans une tenue évoquant immanquablement l’actrice Audrey Hepburn (1929-1993).


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Maria Callas et les bijoux, une longue histoire d’amour. D’abord liée aux grandes étapes de sa carrière, ainsi que le raconte Giovanni Battista Meneghini, dans Callas, mia moglie : «  J’avais coutume de marquer les premières des œuvres importantes qu’elle interprétait en lui offrant des bijoux auxquels je donnais le nom de l’opéra. À l’occasion de Lucia di Lammermoor, je lui avais offert une parure de diamants, collier, bracelet et bague. Pour La traviata, une parure d’émeraudes, collier, bracelet, bague et boucles d’oreilles ; pour Ifigenia in Tauride, un anneau de brillants navette, ainsi nommé parce que la taille lui donnait l’allure d’une coque de bateau ; pour Medea, une parure de rubis, bracelet, boucles d’oreilles et collier. […] Pour ces bijoux, je dépensai des sommes astronomiques, qui, de nos jours, s’élèveraient à plusieurs milliards. »  Sur cette photo de 1957, « La Divina », qui arbore les fameuses boucles d’oreilles Medea, est tombée en arrêt devant les pièces de joaillerie d’une vitrine de l’hôtel Principe di Savoia de Milan. À moins qu’elle ne sourie à son propre reflet…


© Keystone/Bridgeman Images

Le 17 novembre 2004, à Genève, Sotheby’s vendait aux enchères onze pièces de joaillerie de la collection de Maria Callas, dont dix sont présentées sur la photo ci-dessus. À l’exception d’un sac du soir, en or jaune 18 carats et diamants (1957), et du clip Cinq feuilles (voir page de droite), tous deux signés Van Cleef & Arpels, l’attribution de ces bijoux, tous plus spectaculaires les uns que les autres, était alors incertaine, sinon impossible. Des recherches ultérieures, menées par Stefano Papi et Alexandra Rhodes, autorités incontestables en la matière, et consignées dans leur ouvrage 20th Century Jewelry & the Icons of Style (Thames & Hudson) – avec Maria Callas en couverture –, ont permis d’en identifier certains. Ainsi, le diamant marquise de 11,71 carats et les clips d’oreilles en diamants, offerts par Meneghini, en 1957, viennent probablement de chez Harry Winston, de même que la parure de rubis et diamants, dite Medea, acquise, en 1953, chez Faraone, à l’époque revendeur de la maison new-yorkaise, à Milan.


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À l’issue du récital du 7 décembre 1973, au Théâtre des Champs-Élysées, étape de la tournée entreprise avec Giuseppe Di Stefano, six semaines plus tôt, Maria Callas signe des autographes, et plus particulièrement une photo de Tosca, richement parée, dans le costume de la mythique production de Franco Zeffirelli (1923-2019). Elle porte, sur l’épaule, le clip Cinq feuilles, en platine, rubis et diamants, créé, en 1967, par Van Cleef & Arpels, dont elle était une cliente assidue. 


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Le collier, les boucles d’oreilles et le bracelet de la parure de rubis et de diamants, dite Medea, offerte par Meneghini, en 1953, furent les bijoux fétiches de la cantatrice, durant au moins un quart de siècle. Qu’elle les porte ensemble, comme sur cette photo, prise à Milan, en 1957. Ou séparément, comme sur la photo ci-dessous. Maria Callas, en grande conversation avec Yves Saint Laurent (1936-2008), qui lui vouait un véritable culte, et Hélène Rochas (1921-2011), à la projection, en avant-première, du film Phèdre de Pierre Jourdan, le 15 octobre 1968, au Palais Garnier (en bas), porte le collier, associé à des boucles d’oreilles cascade en diamants, de chez Van Cleef & Arpels, complétés par un bracelet différent de celui d’origine, et son diamant marquise.


© Giovanni CoruzziFarabola/Bridgeman ImagesGiovanni Coruzzi.

« À travers le monde, suspendus sur les murs des longs tunnels poussiéreux des coulisses, tes traînes, tes manteaux, tes fourrures, tes pelisses d’hermine, tes toges, tes péplums, tes étoles, tes voiles, tes crinolines, tes tournures, ce sont tes habits de lumière ! Entassés dans les panières d’osier des tournées de triomphe, tes châles, tes dentelles, tes tulles, tes mantilles, tes perruques, tes coiffes, tes éventails, tes gants, tes bijoux, tes épingles, tes agrafes, tes couronnes, tes diadèmes, tes tiares, tes palmes, le poignard de Tosca, c’est encore Toi ! » Yves Saint Laurent


© Farabola/Bridgeman Images

Biki (1906-1999) joua un rôle déterminant dans la métamorphose physique de Maria Callas. Quand Elvira Leonardi Bouyeure, fille de Fosca Gemignani, née du premier lit d’Elvira Bonturi, l’épouse de Giacomo Puccini – d’ailleurs à l’origine de son surnom – rencontre la jeune cantatrice chez Wally, la fille d’Arturo Toscanini, celle-ci ne s’est pas encore soumise au régime radical, qui la verra perdre trente kilos, entre 1953 et 1954. Une fois la taille mannequin conquise, la prima donna de la Scala se rend auprès de l’arbitre des élégances milanaises, qui l’habillera pendant plus de vingt ans. Elles posent, ici, devant l’entrée de la maison de couture de la Via Montenapoleone, en 1966.


© © Maria Callas Museum/City of Athens

Ce manteau vert doublé de fourrure, créé par Biki, fait partie des objets exposés, de façon permanente, dans le Foyer du Théâtre Olympia d’Athènes.


© Bridgeman Images

Difficile, en voyant ces deux photos de 1958 – la première (ci-dessus) prise à Londres, la veille du Gala du Centenaire du Covent Garden, le 9 juin, et la seconde (ci-dessous), à Milan, probablement dans un salon d’essayage, chez Biki –, que « La Divina », posant avec la perfection d’un dessin de mode de René Gruau (1909-2004), ait pu, un jour de 1949, ressembler à la description, fort peu amène, qu’en fait Franco Zeffirelli dans son autobiographie, Portrait d’un homme du siècle (Belfond, 1989, pour la traduction française) : « Nous y fûmes présentés à cette grosse fille gréco-américaine, qui nasillait dans un terrible accent new-yorkais et dont les façons de matrone s’alliaient à un air assez pincé. Horrible à entendre, pire encore à voir ! Callas portait une robe-tailleur noire, serrée, qui soulignait ses hanches larges et son ample poitrine. Elle avait posé sur sa tête un béret de velours comme on en voit chez Raphaël. Tout en elle semblait énorme : ses yeux, son nez, sa bouche avec, pour couronner le tout, des jambes poilues. » Oui, mais cela, c’était avant que, pour reprendre les mots de Biki, la « paysanne endimanchée » ne devienne la « femme la plus élégante du monde ».


© Mondadori Portfolio/Archivio Tv Sorrisi e Canzoni/Bridgeman Images

MEHDI MAHDAVI

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