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Comptes rendus

Glyndebourne célèbre l’anniversaire Berlioz

30/08/2019

Opera House, 5 juillet

Les Britanniques aiment Berlioz, et Glyndebourne – qui avait déjà proposé Béatrice et Bénédict, voici trois ans – ne pouvait laisser passer cette année de jubilé sans célébrer à nouveau le compositeur français. Voici donc la première représentation in loco de La Damnation de Faust confiée, et ce n’est pas un hasard, à Richard Jones, metteur en scène réputé pour sa capacité à créer des images.

Tout se déroule dans une large salle au parquet et aux lambris de bois sombre, où des éléments de décor glissent et repartent par cour ou jardin : des piles de livres, pour figurer le bureau de Faust ; des portes surmontées d’un fronton, pour montrer les lieux successifs de ses aventures (école militaire, cave d’Auerbach…) ; cinq sapins, pour illustrer l’« Invocation à la nature », etc.

Poète inadapté dans un monde trop réaliste – Allan Clayton garde pratiquement l’allure physique qu’il avait en créant l’Hamlet de Brett Dean, ici même, voici deux ans –, Faust est chargé d’enseigner la littérature allemande à de jeunes recrues, qui lui préfèreront les cours de stratégie d’un officier général. Il tente de jouer du violon pour accompagner Marguerite dans « Le Roi de Thulé », mais c’est Méphistophélès qui, tout au long de la soirée, se promène avec un étui de violon.

Répartis sur deux balcons encadrant la scène, les chœurs ont des têtes de joyeux démons, gnomes et sylphes, tandis que Marguerite apparaît déjà, silencieuse, lors des deux premières parties, comme un fantasme qui obsède Faust et qui trouve ses racines dans son enfance (on voit d’ailleurs plusieurs de ses doubles à des âges successifs de sa vie passée).

Le résultat est brillant, spectaculaire même, mais donne plus d’une fois le sentiment que trop d’images tuent l’image, surtout lors de la « Sérénade » de Méphistophélès, jouée comme une parodie de copulation et accompagnée d’une très agaçante répétition de gestes identiques (des figurants s’agitent, l’un ouvre des rideaux, l’autre les ferme). Il faut bien le long « interval » traditionnel (curieusement placé après la troisième partie) et le pique-nique dans les jardins pour s’en remettre.

La quatrième partie est rallongée : précédée d’abord, comme la première, d’un monologue de Méphistophélès (texte parlé reconstitué par Agathe Mélinand d’après Goethe), et suivie d’un postlude tout aussi bavard. On se dit que c’est dommage, car ce texte fait retomber la tension finale, après un « Pandémonium » joyeusement délirant et une intense « Apothéose de Marguerite ».

Et comme si cela ne suffisait pas, alors que la salle commence à applaudir, on repart soudain, comme dans ces opérettes où l’orchestre se remet à jouer tout seul pendant les saluts, avec une chorégraphie sur le « Menuet des follets », bizarrement déplacé ici. La soirée se termine ainsi dans une confusion inutile et bien peu dramatique.

À la tête de l’excellent London Philharmonic, Robin Ticciati livre une lecture raffinée, attentive aux détails et aux couleurs, mais à laquelle il manque, dans les moments critiques, un soupçon de démesure. En grand effectif – une soixantaine de chanteurs –, les chœurs sont brillants et souples à la fois.

On oubliera vite le Brander d’Ashley Riches, qui articule peu et mal. Mais on saluera la performance de Christopher Purves, non seulement pour la dégaine de son Méphistophélès, façon Klaus Kinski, mais aussi pour son chant très sûr et sa prononciation presque correcte des nombreux textes parlés qui lui reviennent.

Allan Clayton séduit, une fois encore, par une voix qui est un bel et étrange mélange de fragilité et de force, suave et émouvante, même si le français reste perfectible. Seule francophone du plateau, Julie Boulianne, enfin, rallie tous les suffrages en Marguerite. Sa « Romance » est, tout à la fois, somptueuse et vécue avec une grande intensité.

NICOLAS BLANMONT

PHOTO © RICHARD HUBERT SMITH

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