Comptes rendus Pêche au perles à Saint-Céré
Comptes rendus

Pêche au perles à Saint-Céré

10/08/2019

Château de Castelnau-Bretenoux, 4 août

Gaspard Brécourt a troqué la veste bling-bling qu’il arborait la veille, lorsqu’il dirigeait du piano la petite formation de jazz dynamitant La Vie parisienne, pour l’habit plus sobre du chef d’orchestre passant d’Offenbach à Bizet. C’est le lot d’un festival comme celui de Saint-Céré, qui va, cette année, de Mozart à Piazzolla.

Gaspard Brécourt affiche ici une relative précaution pour laisser s’épanouir les nombreux solos instrumentaux, au sein d’un orchestre Opéra Éclaté n’ayant rien à envier à des formations plus prestigieuses (superbe flûtiste, excellents cornistes). Le chef ne surmonte cette retenue que lors des grands ensembles, plus nerveux, grâce aussi à un chœur (Opéra Éclaté & Académie Lyrique d’Occitanie) d’une belle cohésion, mais pas toujours compréhensible.

Il faut dire que l’acoustique de l’impressionnant Château de Castelnau-Bretenoux favorise plus les voix que les instruments. Et c’est tant mieux pour le timbre soyeux et la projection aisée de Serenad B. Uyar, qui campe une Leïla solide comme on pouvait l’espérer, après ses Lucia et Violetta des années précédentes. Un ou deux aigus vibrés, une prestance scénique un brin limitée ne l’empêchent pas de rayonner dans « Comme autrefois », comme dans ses duos avec Nadir.

Il est vrai que Mark Van Arsdale lui donne une magnifique réplique : la grâce de son chant, ses suraigus joliment filés, le vif-argent de ses couleurs vocales, son talent d’acteur et son français quasi parfait sont un régal. Paul Jadach, Zurga de belle allure, impressionne dans les moments dramatiques, mais on regrette la monotonie de son timbre, qui ne peut rivaliser avec celui de Nadir dans leur duo « Au fond du temple saint ». Enfin, le Nourabad de Jean-Loup Pagésy est d’un mordant dans le grave qui impacte fortement toutes ses interventions.

Dans sa mise en scène, Éric Perez a tenté de surmonter les insuffisances d’un livret bien conventionnel, en jouant d’abord sur des attitudes parfois figées (le chœur sagement aligné ou disposé dans les cavités d’un grand mur alvéolé, en fond de plateau), puis sur un érotisme surprenant (mais sans excès) quand, au II, Leïla et Nadir se vautrent l’un sur l’autre sur le sol, et enfin sur la vidéo.

Mais les images élaborées par Clément Chébli souffrent non seulement de la luminosité du ciel, encore vive à 22 h (des vues sous-marines de plongeurs), mais aussi de la banalité (foules indiennes dansant, intégristes patibulaires en gros plan…), voire du cliché éculé (le rouge du sang envahissant tout, quand la mort semble promise aux deux amants). Reste l’utilisation d’un grand voile recouvrant les protagonistes au début, puis la seule Leïla, comme une allusion aux problèmes d’identité religieuse que nous connaissons de nos jours.

Aux sobres costumes indiens des choristes (on pense à Nehru et à sa fille, Indira Gandhi) s’opposent les tenues occidentales, chemise blanche et cravate, de Zurga et Nadir. Bref, un bon spectacle, mais pas toujours convaincant sur le plan scénique.

JEAN-LUC MACIA

PHOTO © NELLY BLAYA

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