Comptes rendus Guillaume Tell réussit son entrée à Orange
Comptes rendus

Guillaume Tell réussit son entrée à Orange

30/07/2019

Théâtre Antique, 12 juillet

L’audace a payé et le pari de Jean-Louis Grinda, directeur des Chorégies d’Orange, de monter Guillaume Tell a été vaillamment tenu, devant plus de 6 000 spectateurs.

Visuellement, d’abord, le spectacle est une réussite. Réalisé par la même équipe qu’à Monte-Carlo, en 2015 (voir O. M. n° 104 p. 57 de mars), il en diffère sensiblement, à l’exception des costumes de Françoise Raybaud et de la chorégraphie d’Eugénie Andrin, toujours aussi plaisants. Jean-Louis Grinda, en effet, agissant cette fois en tant que metteur en scène, n’a pas souhaité ajouter de décor au cadre en lui-même impressionnant du Théâtre Antique.

Il a ainsi préféré jouer sur la variété des éclairages et sur la qualité des images vidéo, projetées aussi bien sur le fameux Mur que sur le plateau (spectaculaire orage à l’acte IV !). Sans oublier le recours à des accessoires d’un impact saisissant, comme cette coque de sous-marin glissant sur les eaux à l’acte I, d’où descendent Rodolphe et les soldats autrichiens, à la poursuite de Leuthold.

Comme en 2015, l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo est en fosse, mais il n’est malheureusement plus dirigé par Gianluigi Gelmetti, l’un des meilleurs spécialistes actuels de Guillaume Tell. Gianluca Capuano réussit très bien certains passages (l’Ouverture, le finale), mais il s’avère incapable de construire une architecture d’ensemble, notamment parce qu’il ne sait pas comment animer les longs récitatifs chantés. Du coup, la partition perd son unité et accuse des longueurs.

Le son de l’orchestre n’est, de surcroît, pas impeccable, les chœurs (Opéra de Monte-Carlo & Théâtre du Capitole de Toulouse), pourtant bien préparés par Stefano Visconti, ne sont pas suffisamment soutenus, à l’instar des solistes, plus d’une fois mis en difficulté par une battue soudain erratique.

Cinq membres de la distribution étaient déjà présents à Monte-Carlo. Aucun problème du côté de Nicolas Cavallier et Nicolas Courjal, sans reproche en Walter et Gesler. Plus impériale que jamais sur le plan scénique, Annick Massis chante toujours avec la même classe et la même maîtrise technique en Mathilde. Et Nicola Alaimo demeure un Guillaume dont le charisme, vocal comme dramatique, force le respect.

Celso Albelo, en revanche, nous a moins emballé, l’immense espace du Théâtre Antique révélant un déficit d’héroïsme dans le timbre et un manque de projection dans le bas du registre qui passaient totalement inaperçus dans le cadre intime de la Salle Garnier. Le ténor espagnol compense par un extrême aigu toujours aussi percutant et une prononciation en nets progrès, sans nous convaincre, après son Duc de Mantoue, en 2017, qu’Orange est un endroit fait pour lui.

Chez les nouveaux venus, une fois saluée la très bonne performance de Philippe Do en Rodolphe et de Julien Véronèse en Leuthold, on s’attardera sur l’exceptionnel Jemmy de Jodie Devos et le miraculeux Ruodi de Cyrille Dubois. La soprano belge se jette corps et âme dans son personnage de jeune garçon, avec un aigu d’une puissance qu’on ne lui connaissait pas jusque-là. Elle rayonne littéralement, à l’instar du poétique ténor français qui délivre, dans son périlleux air de l’acte I, la même leçon technique et stylistique que dans le « Chant » d’Iopas des Troyens ou la « Romance » de Nadir des Pêcheurs de perles.

RICHARD MARTET

PHOTO © PHILIPPE GROMELLE

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