Comptes rendus Fulgurant Requiem de Verdi à la Philharmonie
Comptes rendus

Fulgurant Requiem de Verdi à la Philharmonie

28/03/2019

Philharmonie, Grande Salle, 26 mars

Teodor Currentzis est de ces chefs qui ne laissent pas indifférent. Sa vision du Requiem de Verdi, proposée à Paris dans le cadre d’une grande tournée européenne, ne ressemble à aucune autre, et ce dès les premières mesures. Le chef gréco-russe n’est certes pas le premier à rechercher le pianissimo le plus ténu possible sur Requiem aeternam. Mais nous avons très rarement entendu murmure aussi habité dans le recueillement, grâce également à un ensemble MusicAeterna (orchestre et chœur) d’une homogénéité et d’une qualité d’intonation exceptionnelles.

Après ce départ littéralement transcendant, le concert conduit l’auditeur de sommet en sommet. On peut être dérangé par certains partis pris, par certains choix de tempo, par une manière de faire ressortir tel ou tel détail instrumental à un moment où l’on ne s’y attend pas, mais le tout est conduit avec une telle cohérence, un tel souci de servir le message du compositeur, qu’on se laisse emporter sans réserve par ce flot musical, tour à tour électrisant et bouleversant.

Parfaitement homogène, le quatuor de solistes réserve de formidables moments de bonheur, sans que quiconque essaie de tirer la couverture à soi. Avec son émission haut placée, qui en fait l’un des meilleurs Almaviva, Elvino de La sonnambula et Ernesto de Don Pasquale du moment, René Barbera se joue ainsi des pièges d’Ingemisco et Hostias, tout en faisant passer une vraie émotion.

L’alto chaleureux de Varduhi Abrahamyan (remplaçant Hermine May), dont on apprécie autant l’aisance dans l’aigu que la rondeur dans le grave, se marie idéalement avec le soprano lumineux et facile de Zarina Abaeva, qui mérite bien mieux que la troupe de l’Opéra de Perm, à laquelle elle est attachée aujourd’hui. Devant des pianissimi aussi envoûtants, on lui pardonne son attaque du Libera me sur une note n’ayant absolument rien à voir avec le do écrit par Verdi !

Révélation, enfin, en la personne de Tareq Nazmi, déjà remarqué en d’autres occasions (notamment dans la troupe du Bayerische Staatsoper de Munich, entre 2010 et 2016), mais jamais dans une partie d’une telle importance. Cette jeune basse allemande, au timbre somptueux et à l’émission remarquablement homogène, est désormais prête à se mesurer aux grands emplois du répertoire verdien.

RICHARD MARTET

PHOTO © ANTON ZAVJYALOV

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