Comptes rendus Rodelinda enchante Lyon
Comptes rendus

Rodelinda enchante Lyon

21/12/2018

Opéra, 15 décembre

Après la nouvelle production de l’Opéra de Lille, en octobre dernier (voir O. M. n° 144 p. 45 de novembre 2018), cette seconde Rodelinda de la saison, créée au Teatro Real de Madrid, en mars 2017, et qui n’avait alors pas convaincu totalement notre confrère Mehdi Mahdavi (voir O. M. n° 128 p. 47 de mai 2017), apparaît ici, reprise par l’Opéra de Lyon, comme l’une des mises en scène de Claus Guth les plus remarquablement maîtrisées, tant pour la cohérence et la force du concept que par la pure beauté visuelle.

On gardera longtemps le souvenir d’un des plus magnifiques décors de Christian Schmidt, avec cette maison georgienne dont le plateau tournant livre la noble façade, et les intérieurs qui sont autant de fenêtres sur les replis de l’âme, comme de l’époustouflante virtuosité de la direction d’acteurs.

Comme encore du parti de mettre constamment en scène le petit Flavio, traumatisé par le meurtre originel, mimé sur l’Ouverture, et épiant ensuite les protagonistes, pour chercher à les libérer en même temps que lui de leurs fantasmes, explicités par ses dessins d’enfant qui se projettent sur les murs de la maison (vidéos d’Andi A. Müller, non moins magistrales que les éclairages de Joachim Klein, qui fouillent et valorisent admirablement ces espaces complexes).

Reconnaissons toutefois que la production, avec une densité aussi constante, exige une grande attention de la part du spectateur, et n’évite pas, sur les trois heures de la partition, une certaine répétitivité.

Passant d’Unulfo à Bertarido, le contre-ténor américain Lawrence Zazzo (en alternance avec Xavier Sabata) est, cette fois, celui qui tient véritablement l’ensemble, par la pure beauté et la couleur du timbre, comme par l’intensité de l’investissement. L’Unulfo de son collègue sud-africain Christopher Ainslie, nettement plus mince sur tous les plans, souffre un peu de la comparaison, impeccable pourtant dans la vocalisation.

Sans séduction de timbre particulière, le ténor polonais Krystian Adam compose un Grimoaldo de très haut relief, tandis que le baryton français Jean-Sébastien Bou réussit à faire vivre un Garibaldo plus monolithique, d’une imperturbable noirceur. Honorable Eduige de la mezzo américaine Avery Amereau, reconduite de la distribution lilloise pour remplacer Sara Mingardo.

Quelques réserves du côté de la soprano espagnole Sabina Puertolas, impeccable assurément dans la colorature, vertigineuse même dans l’extrême aigu, mais sans tout à fait la dimension de grande tragédienne dramatique requise par Rodelinda.

Place à part, enfin, comme à Madrid, à la remarquable performance de l’acteur colombien Fabian Augusto Gomez, dont la petite taille fait longtemps parfaite illusion dans le rôle muet de Flavio.

Stefano Montanari impulse à l’Orchestre de l’Opéra de Lyon les accents baroques requis, avec quelques baisses de tension qui ne nuisent pas sensiblement à la bonne tenue de l’ensemble, auquel le public de la première assure un beau triomphe.

FRANÇOIS LEHEL

PHOTO : © JEAN-PIERRE MAURIN

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