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Concerts et récitals

Lisette Oropesa et Benjamin Bernheim en symbiose à Paris

04/05/2024
Lisette Oropesa et Benjamin Bernheim. © Théâtre des Champs-Élysées/Cyprien Tollet

Théâtre des Champs-Élysées, 26 avril

« Alliance idéale », annonce le texte de présentation de ce concert, proposé par Les Grandes Voix/Les Grands Solistes. Et c’est, effectivement, cela : deux voix d’exception, au faîte de leurs jeunes carrières, qui ont appris à se connaître, à s’apprivoiser, et à partager leur chant. Tout les rapproche, l’âge, l’aisance, l’élégance des styles, et la présence, éminemment sympathique.

Le public parisien les connaît déjà bien : le ténor français (né le 9 juin 1985), dont le Faust, le Roméo (Roméo et Juliette de Gounod), et, cette saison, l’Hoffmann (Les Contes d’Hoffmann) ont ébloui l’Opéra Bastille ; la soprano américaine (née le 29 septembre 1983), qui y a fait redécouvrir Les Huguenots de Meyerbeer, puis Hamlet d’Ambroise Thomas.

Jeunes et aussi talentueux, parfois, les membres de l’orchestre de l’Accademia Teatro alla Scala demandent une main sûre pour la cohésion. Avec Marco Armiliato, assurant parfaitement la tenue, le lié et le glamour nécessaires, le résultat est à la hauteur des forces rassemblées.

Ouverture avec Verdi, en l’occurrence celle de La forza del destino, machine ô combien apte à faire briller une formation. Pour autant, le chef italien n’y cherche pas la virtuosité absolue que l’orchestre n’a pas, mais plutôt l’élégance et la fraîcheur du contenu dramatique. On retrouve à ces lignes, tant de fois rabâchées en concert, une autre façon de séduire, sans perdre en rien de l’énergie et du brillant qu’on y attend.

Benjamin Bernheim fait son entrée, s’amusant d’une bouteille de vin à la main, à la grande joie du public. C’est qu’il va attaquer « Caro elisir !… Esulti pur la barbara » (L’elisir d’amore), avec bonhomie et grâce. Ce sera bien le ton du duo de Donizetti, où Lisette Oropesa le rejoint vite, avec le naturel et la drôlerie qui conviennent. Pas question d’aligner deux potiches immobiles, ni de prétendre à une mise en espace aboutie : ce sera le rapport heureux et simple de deux artistes en confiance, en refus de rivalité, qui montrent leur amour du partage et du sourire. La salle fond.

« Recondita armonia » (Tosca) suit, avec son lyrisme puccinien débordant, qui montre le ténor à son plus flatteur aujourd’hui, regorgeant de poésie. Plus rare, l’air « Tu del mio Carlo al seno » (I masnadieri), que la soprano attaque à son tour, avec un legato de rêve, sans le moindre déficit de virtuosité pour la cabalette « Carlo vive ? », éblouissante.

Intermède orchestral aussi rare, avec le bref Prélude du même opéra de Verdi, magnifié par le solo de violoncelle d’Andrea Cavalazzi. Avant de revenir au très connu : le duo d’amour de Rigoletto, brillantissime, et se concluant, avec délices, par la partie de ping-pong vocal des « Addio, addio ! ».

Après la partie italienne, le volet français. Quoi de mieux, pour commencer, que le duo « Ange adorable » (Roméo et Juliette), qui montre l’émotion, le désir, l’art de la séduction, tout en en exigeant un sens de la ligne parfait ? Faust suit, avec l’air « des bijoux », chanté par la soprano de façon intimiste, comme face à un miroir invisible, et non pour remplir la salle. L’art de Bizet paraît, quant à lui, avec la « Romance » des Pêcheurs de perles, interprétée piano par le ténor.

Puis Lisette Oropesa offre Meyerbeer, avec Robert le Diable : un festival de demi-teintes, de sons filés, d’élégance technique, qui sublime cette musique. Benjamin Bernheim prend le relais de l’élégance, avec un « Ah ! fuyez, douce image » (Manon de Massenet) introverti, avant qu’en bis enchaîné, le duo « de Saint-Sulpice » n’impose, une fois de plus, l’évidence des rapports de complémentarité et de symbiose d’un chant heureux. Second bis, et retour à Puccini, le duetto de l’acte I de La Bohème, absolu de tendresse énamourée.

Triomphe, sans autre enjeu que de donner de la joie. C’est cela, aussi, l’opéra, et c’est tant mieux.

PIERRE FLINOIS

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