Rossini porte chance à la « Révélation Artiste lyrique » des dernières Victoires de la Musique Classique. Mais quoi de plus naturel, avec une voix longue et agile, non moins rompue au répertoire baroque ! Lauréate du Jardin des Voix de William Christie, la mezzo française reprend, le 27 juin, à l’Opéra Royal de Versailles, The Fairy Queen, en tournée, avec Les Arts Florissants.
C’est tout juste couronnée « Révélation Artiste lyrique », aux Victoires de la Musique Classique, le 29 février dernier, à Montpellier, que la mezzo française nous reçoit « virtuellement » dans sa loge, à l’Opéra de Rouen Normandie, où elle se produit, le temps de trois représentations, en Isaura, dans Tancredi de Rossini (1).
Issue d’une famille de mélomanes, Juliette Mey est, très tôt, sensibilisée à la musique, et réalise sa scolarité en horaires aménagés, dès la classe de CE1, à Toulouse. Elle étudie le violoncelle au Conservatoire de sa ville et suit, parallèlement, le cursus de la Maîtrise, pendant sept ans. Là, elle découvre le répertoire vocal, en interprétant des œuvres allant de la Renaissance à la période contemporaine. C’est dans ce cadre qu’elle rencontre Léa Pasquel, qui deviendra son professeur de chant, au CRR de Montpellier, en 2018, et avec laquelle elle travaille encore aujourd’hui.
Le choix de la musique
Alors qu’elle est lycéenne, Juliette Mey ne songe pas à faire de la musique son métier. Son profil la destine, plutôt, à des études vétérinaires, ou de biologie, et elle songe à s’inscrire à l’université avec cet objectif. Mais peu à peu, la perspective de devoir laisser la musique de côté, pour se consacrer à une formation uniquement scientifique, lui fait rebrousser chemin. Elle opte finalement pour des études de musicologie, à Toulouse, tout en se préparant, parallèlement, au concours d’entrée du CNSMD de Paris, où elle est admise, en 2021, dans la classe de Yann Toussaint.
Alors qu’elle a tenu les pupitres de soprano comme d’alto, quand elle chantait en maîtrise, Juliette Mey trouve sa voix dans la tessiture de mezzo, et prend plaisir à explorer tous les répertoires, du baroque à la création contemporaine. Avec une inclination, toutefois, pour la musique italienne, allant de Monteverdi à Rossini, ainsi que pour Mozart.
Marques de reconnaissance
Son entrée au CNSMDP coïncide, également, avec sa participation, en octobre 2021, au Concours Opéra Jeunes Espoirs « Raymond Duffaut», à Avignon, où elle remporte trois prix. Suivent, deux ans plus tard, le Concours « Reine Elisabeth », à Bruxelles, et les « Voix Nouvelles », dont elle est lauréate. Par-delà la compétition, la jeune chanteuse voit, dans ces manifestations, un moyen de gagner en visibilité, mais aussi de s’affirmer en tant qu’interprète.
Après l’Académie du Festival d’Aix-en-Provence, elle intègre la 11e édition du Jardin des Voix de William Christie. Dans ce cadre, elle entame, en août dernier, à Thiré, une tournée de deux ans, à travers le monde, avec une production de The Fairy Queen. Juliette Mey se dit très attachée à ce projet, qui la fait grandir, à chaque représentation, et lui apprend à gérer tous les paramètres du métier.
Si elle se réjouit de ces marques de reconnaissance, elle n’oublie pas qu’elle n’est qu’au début de sa jeune carrière. C’est, ainsi, avec beaucoup de pudeur, qu’elle parle d’elle-même, disant s’abreuver de l’expérience des grandes d’hier et d’aujourd’hui : Maria Callas, Christa Ludwig, Frederica von Stade, Cecilia Bartoli, sans oublier la mezzo américaine Jeanne Piland, aujourd’hui professeur en Allemagne. Elle écoute, aussi, beaucoup de musique de chambre et d’orchestre, n’oubliant pas son passé de violoncelliste, instrument dont elle joue encore régulièrement, pour le plaisir.
Aller où sa voix la mène
Lorsqu’on lui demande quels seraient les rôles de ses rêves, en dehors du répertoire baroque, qui constitue actuellement le cœur de son activité, Juliette Mey cite immédiatement Mozart, au firmament de son panthéon vocal. Cherubino (Le nozze di Figaro), Zerlina (Don Giovanni), Dorabella (Cosi fan tutte), puis, plus tard, Sesto (La clemenza di Tito). Elle évoque, également, le répertoire français, avec Siébel (Faust), qu’elle interprètera, la saison prochaine, à l’Opéra-Comique, Urbain (Les Huguenots), mais aussi les héroïnes rossiniennes – « buffe », comme Rosina (Il barbiere di Siviglia) et Angelina (La Cenerentola), et « serie », telles que Desdemona (Otello) et Semiramide.
Ce qu’elle aime, c’est explorer les différentes vocalités des formes, des époques et des styles, cultiver ces bouquets sonores aux teintes variantes. Elle souhaite, par ailleurs, poursuivre son apprentissage de la scène, y trouver l’épanouissement, conduire intelligemment sa carrière et aller où sa voix la mène. Enfin, elle avoue s’interroger beaucoup, car elle cherche, en permanence, à rendre justice à l’œuvre qu’elle interprète.
Il y a ainsi, chez Juliette Mey, une quête de fidélité, d’authenticité, qui l’incite à construire des ponts entre les compositeurs, les opéras et la peinture, à laquelle elle est particulièrement sensible. Elle associe, de cette manière, Vivaldi à Caravaggio, le baroque français à Boucher, ou encore Le nozze di Figaro à Watteau. Une manière poétique de donner vie aux personnages qu’elle incarne.
KATIA CHOQUER
(1) L’entretien a été réalisé le 14 mars, avant la deuxième représentation de Tancredi, à l’Opéra de Rouen Normandie (voir nos pages « Comptes rendus »).