En l’espace d’une semaine, la soprano française a remporté le Prix du CNLB du 12e Concours International de Chant-Piano « Nadia & Lili Boulanger », à Paris, et le Grand prix « Révélation » du 7e Concours Opéra Jeunes Espoirs « Raymond Duffaut », à Avignon. La voici désormais fin prête, après une studieuse et patiente maturation, à laisser s’épanouir, à la scène, sa voix ductile.
Il y a les enflammées, les audacieuses, les spontanées, celles qui se jettent dans le grand bain de la scène sans crainte, et qui comptent sur l’expérience pour apprendre. Et puis, il y a les posées, les raisonnables, les prudentes, celles qui préfèrent accumuler les connaissances et les diplômes, pour trouver leur légitimité. Camille Chopin fait partie de cette seconde catégorie de chanteuses, plus cérébrale, mais pas moins passionnée.
Après avoir été lauréate du Programme Tremplin du fonds Tutti, en 2022, et des Talents Adami Classique, en 2023, la soprano française a remporté, successivement, le 29 octobre et le 5 novembre, le Prix du CNLB du Concours International de Chant-Piano « Nadia & Lili Boulanger », et le Grand prix « Révélation » du Concours Opéra Jeunes Espoirs « Raymond Duffaut », alors même qu’elle vient d’intégrer l’Académie de l’Opéra-Comique, pour une saison. Si tout semble se précipiter pour elle, rien n’est dû au hasard, mais à une longue période d’apprentissage et de maturation.
Du chœur à la scène
Comme presque tous les artistes lyriques, Camille Chopin a d’abord été instrumentiste. Cette fille d’enseignants (en lettres classiques et architecture) opte pour la flûte à bec, en hommage à sa grand-mère, qui en jouait. Elle débute ensuite le chant, en rejoignant le Chœur d’enfants Sotto Voce, dirigé par Scott Alan Prouty, enchaînant répétitions (le mercredi et le samedi) et productions avec cette formation, au sein de laquelle elle aborde aussi bien le répertoire classique que la comédie musicale. Elle est, ainsi, Gretel (Hänsel und Gretel), mais aussi l’un des enfants von Trapp dans The Sound of Music, au Théâtre du Châtelet, en 2009 – aux côtés de Julie Fuchs, qui lui donne envie de devenir chanteuse lyrique.
Fortement marquée par cette expérience de chœur et de scène, Camille Chopin décide d’arrêter la flûte, à l’âge de 16 ans, et suit des cours de chant au Conservatoire du 5e arrondissement, dans la classe du baryton Yann Toussaint. La musique occupant la majeure partie de sa vie, la jeune fille poursuit sa scolarité en horaires aménagés, au lycée Racine. Après son bac, elle entre en classe préparatoire littéraire, au lycée Fénelon.
Un long parcours académique
À l’issue de deux années studieuses en hypokhâgne et khâgne, Camille Chopin est admissible à l’École Normale Supérieure de Lyon, mais décide de s’orienter vers une licence de lettres, pour ne pas devoir arrêter le chant, qui s’impose, de plus en plus, comme une carrière possible. Son diplôme en poche, elle passe une audition pour rejoindre le Département Supérieur pour Jeunes Chanteurs, au sein du CRR de Paris. Elle y reste trois ans, durant lesquels elle enrichit ses compétences, grâce aux nombreuses disciplines enseignées (diction lyrique, théâtre, danse, analyse, esthétique, etc.).
Lorsqu’elle termine cette formation, qui lui a beaucoup plu, Camille Chopin a 23 ans. Elle aurait, alors, pu cesser les études et commencer sa carrière. Mais la jeune femme considère qu’elle a encore des choses à apprendre et des rencontres à faire. Elle intègre donc le CNSMDP, dans la classe de Yann Toussaint, son ancien professeur, puis dans celle d’Élène Golgevit, avec laquelle elle validera son Master 2, en 2024. Ce long parcours académique permet à la soprano d’aborder de nombreuses facettes de son métier, mais aussi de se forger une expérience, lui permettant de se sentir légitime, lorsqu’elle propose une esthétique musicale.
Exprimer ses émotions
Car Camille Chopin souhaite être « actrice de ce qu’elle raconte, avoir une prise de parole personnelle ». Tout le travail technique, littéraire, stylique, effectué depuis des années, est donc le carburant de cette chanteuse curieuse, qui se dit prête à aborder tous les répertoires (la seule limite étant pour elle la typologie vocale) et tient particulièrement à pouvoir faire coexister opéra, concert et récital, tout au long de sa carrière. Elle interprètera ainsi la Messe en ut mineur de Mozart, à l’Opéra Orchestre National Montpellier, en janvier 2024, avant de participer à la production de Pulcinella, en mars, à l’Opéra-Comique.
À l’avenir, cette admiratrice d’Elly Ameling et d’Ileana Cotrubas espère pouvoir incarner la Juliette de Gounod, la Manon de Massenet, Susanna (Le nozze di Figaro), Adina (L’elisir d’amore), ainsi que des rôles baroques, comme Cleopatra (Giulio Cesare). Dans ce répertoire, Camille Chopin aimerait travailler avec Emmanuelle Haïm, avec laquelle ses précédentes expériences musicales furent une « évidence humaine et musicale », mais aussi avec Raphaël Pichon.
Après une « période aride d’artisanat et d’apprivoisement de la voix », cette amoureuse de poésie et de théâtre considère aujourd’hui son métier comme une nourriture intellectuelle, grâce au travail sur la langue, le texte et la musicalité. Elle a aussi découvert, avec le chant, le moyen d’exprimer ses émotions, sans se laisser submerger par elles. Elle a trouvé l’équilibre, tout simplement.
KATIA CHOQUER