Entretien du mois Cecilia Bartoli
Entretien du mois

Cecilia Bartoli

28/11/2023
Alcina à Monte-Carlo (2023). © OMC/Marco Borrelli

Bientôt 37 ans de carrière : « Mamma mia ! », s’exclame la prima donna, qui a dès longtemps fait voler en éclats l’étiquette de mezzo-soprano, forcément réductrice pour une voix aussi longue et inclassable que la sienne. Directrice artistique du Festival de Pentecôte de Salzbourg, depuis 2012, et à la tête de l’Opéra de Monte-Carlo, où elle a succédé à Jean-Louis Grinda, en janvier 2023, Cecilia Bartoli règne sur le monde lyrique, en femme de pouvoir, autant qu’en artiste aussi singulière qu’incontestable, dont les choix de répertoire, longuement réfléchis, continuent d’écrire la légende au présent. Son nouveau port d’attache monégasque présente, pour la première fois, à partir du 16 décembre, The Phantom of the Opera, avant une nouvelle production de Giulio Cesare, le 24 janvier, où elle sera Cleopatra – qui d’autre ?

Qu’est-ce qui vous a convaincue, à ce stade de votre carrière, et à ce moment de votre vie, de prendre la tête de l’Opéra de Monte-Carlo, où vous étiez, certes, déjà implantée avec Les Musiciens du Prince-Monaco, l’orchestre que vous avez fondé avec votre prédécesseur, Jean-Louis Grinda, en 2016 ?

C’est arrivé au bon moment ! J’ai 37 ans d’expérience du chant, et plus d’une décennie comme directrice artistique, à Salzbourg, où j’en suis à mon troisième mandat. Le Festival de Pentecôte (Pfingstfestspiele) est un événement magnifique, qui nous a permis, jusqu’à présent, de proposer, chaque année, une nouvelle production, reprise pendant le Festival d’été, ainsi que des concerts et des récitals. Mais il ne dure que quatre jours, du vendredi au lundi. Quand Jean-Louis Grinda, avec qui nous avons, en effet, fondé Les Musiciens du Prince, orchestre que nos projets ont mené, depuis Monte-Carlo, non seulement à Salzbourg, mais aussi en tournée, un peu partout, m’a proposé de lui succéder, l’idée de prendre la tête d’un Opéra m’a tentée. D’autant que celui-ci est un vrai bijou. Cette maison offre une large palette de possibilités, de couleurs, avec un ensemble jouant sur instruments d’époque, mais aussi l’Orchestre Philharmonique de Monte-Carlo. D’où un très beau choix de répertoire, ce qui n’est pas toujours le cas. Et la Salle Garnier est assez intime, avec une capacité de moins de 600 spectateurs – tandis que la Salle des Princes du Grimaldi Forum, où nous donnons aussi des spectacles, peut en accueillir plus du triple. C’est un autre défi à relever !


Avec Les Musiciens du Prince-Monaco et Gianluca Capuano devant l’Opéra de Monte-Carlo. © OMC/Alain Hanel

Pour mener de front votre carrière de chanteuse, la direction artistique du Festival de Pentecôte et la direction générale de l’Opéra de Monte-Carlo, vous devez être bien entourée…

Il faut être bien entourée dans la vie, en général ! Avoir habité longtemps en Suisse m’a donné une sorte de structure. La brièveté de la saison de l’Opéra de Monte-Carlo, de novembre à fin mars, est aussi l’une des raisons pour lesquelles j’ai accepté : cela me donne la possibilité de continuer Salzbourg. J’ai été, en revanche, très étonnée qu’elle s’interrompe pendant les fêtes de fin d’année, alors que Jean-Louis continuait à travailler ! Décembre est le mois où les familles vont au théâtre, au concert, au ballet, et je suis fière de pouvoir, désormais, offrir une continuité dans la programmation. C’est durant cette période que nous allons proposer, pour la première fois à l’Opéra, un « musical ».

Est-ce à cause du lien avec Charles Garnier, l’architecte du Palais Garnier, où se déroule l’action de la comédie musicale d’Andrew Lloyd Webber, qui est aussi celui de l’Opéra de Monte-Carlo, que vous avez choisi The Phantom of the Opera ?

Il y a le lien avec Garnier, mais aussi avec Salzbourg. La première fois que j’ai fait un « musical », c’était West Side Story, au Festival de Pentecôte, en 2016 – un chef-d’œuvre absolu ! The Phantom of the Opera est l’autre chef-d’œuvre du genre. Sans doute plus connu, et surtout plus populaire. Il est resté à l’affiche, à Broadway, pendant trente-cinq ans, et ne l’a quasiment jamais quittée dans le West End, où il a été créé en 1986 ! Cela nous permet d’attirer un nouveau public à l’Opéra de Monte-Carlo. Cette maison a une histoire très intéressante. Des artistes incroyables s’y sont produits, dont Enrico Caruso, qui y a beaucoup chanté, et auquel nous aurons rendu hommage, avec Jonas Kaufmann et Antonio Pappano, le 19 novembre, pour la Fête nationale monégasque (1). De nombreuses créations ont eu lieu dans cette salle – des œuvres de Massenet, et L’Enfant et les sortilèges, précédés de la première scénique de La Damnation de Faust –, sans parler du ballet, avec Diaghilev. Finalement, le Fantôme retrouve sa maison – pas l’originale, mais sa petite sœur ! François Blanc, le fondateur de la Société des Bains de Mer, avait versé 4 900 000 francs-or pour l’achèvement de l’Opéra de Paris. C’est donc à Garnier que sa veuve, Marie, a confié la conception de l’Opéra de Monte-Carlo : construit en un temps record, il a été inauguré par Sarah Bernhardt, et les artistes de l’Opéra de Paris, en 1879.


Maria dans West Side Story, à Salzbourg (2016). © Salzburger Festspiele/Silvia Lelli

The Phantom of the Opera est présenté dans une nouvelle coproduction, avec des théâtres italiens…

Elle a été créée, en juillet dernier, au Politeama Rossetti de Trieste, puis donnée à Milan, au Teatro degli Arcimboldi. L’intimité de la Salle Garnier va lui apporter quelque chose en plus !

Que pensez-vous de la musique d’Andrew Lloyd Webber ?

C’est de la musique de grande qualité. Sinon, comment expliquer qu’elle ait pu séduire plus de 140 ­millions de spectateurs ? Ce sont les chiffres qui parlent, pas moi ! La distribution est emmenée par Ramin Karimloo, le plus grand interprète actuel du rôle-titre. Ces artistes sont entraînés pour ce style, ils ont une autre technique, et chantent avec des micros. Il n’y a pas lieu de les comparer à des voix lyriques.

Comment éviter l’écueil de la saturation, dans une salle de la taille de l’Opéra de Monte-Carlo ?

L’amplification ne sera pas la même qu’au Teatro degli Arcimboldi, qui est trois fois plus grand. On ne va pas tuer les oreilles du public, qui doit venir ensuite écouter ma Cleopatra !

L’hommage à Caruso, comme les nouvelles productions de Don Carlo – en novembre – et Giulio Cesare, ont un point commun : tous trois sont mis en scène par Davide Livermore, avec qui vous n’aviez jamais travaillé auparavant…

Pour l’hommage à Caruso, ce sera une sorte de mise en espace. J’ai toujours trouvé intéressant le travail de Davide Livermore. C’est un metteur en scène, et un acteur, qui a aussi été chanteur. Il a une sensibilité pour les partitions, ce qui est rare, car beaucoup, dans ce métier, ne connaissent pas la musique. J’ai toujours voulu collaborer avec lui, mais cela n’est jamais arrivé. Il est très occupé, mais en m’y prenant à l’avance, j’ai eu de la chance ! Il crée de belles productions, en utilisant des techniques assez modernes, des projections… Cela peut attirer un public plus jeune.


Cleopatra dans Giulio Cesare, à Salzbourg (2012). © Salzburger Festspiele/Hans Jörg Michel

Vous avez chanté Cleopatra, pour la première fois, en 2005, à Zurich, sous la direction de Marc Minkowski, puis, cinq ans plus tard, en concert, avec William Christie, et enfin, à Salzbourg, en 2012, dans une production de Moshe Leiser et Patrice Caurier. Vous y revenez aujourd’hui, dix-huit ans après votre prise de rôle. Comment votre interprétation a-t-elle évolué ?

De façon assez naturelle ! Cleopatra est le seul personnage qui évolue vraiment, au cours de l’opéra. Elle pense qu’elle a toute légitimité pour régner, surtout lorsqu’elle comprend que son frère, Tolomeo, n’est motivé, dans tous ses actes, que par la violence. Elle doit jouer la carte de la séduction, mais aussi de la ruse, et du calcul. Car le monde qui l’entoure est assez machiste. Elle doit donc faire fonctionner son cerveau un peu plus vite que les autres ! Cleopatra a l’esprit d’une politicienne. C’est ainsi qu’elle approche Giulio Cesare, déguisée en Lidia. D’un rôle presque de caractère, elle passe à la tragédie, avec ses deux lamenti : « Se pietà », d’abord, avec son grand récitatif accompagné, puis « Piangero », un air d’une intensité dramatique incroyable. J’avais bien chanté Cleopatra, en 2005, mais cette dimension tragique vient avec la maturité. Elle fait partie de la vie. Je pense être une meilleure tragédienne aujourd’hui.

Vous étiez entourée, pour la tournée de concerts, qui a fait halte au Théâtre des Champs-Élysées, en octobre dernier – et le serez aussi, dans la nouvelle production de l’Opéra de Monte-Carlo –, par trois contre-ténors. L’un d’eux, Kangmin Justin Kim, s’est fait connaître, alors qu’il était encore étudiant, en vous parodiant, sous le pseudonyme de Kimchilia Bartoli, dans une vidéo, vue plus de 600 000 fois sur YouTube, depuis 2011. Il faut une bonne dose d’autodérision pour l’inviter à se produire à vos côtés…

Quand j’ai découvert cette parodie, je me suis dit que, d’une certaine façon, j’étais devenue assez populaire ! Il le fait bien, et cela m’a beaucoup amusée. Puis, j’ai eu un rendez-vous avec ma petite sœur, Kimchilia, et lui ai demandé de me chanter autre chose. Justin est très doué, et le rôle de Sesto convient vraiment à sa voix. Carlo Vistoli, après avoir incarné Tolomeo, dans le spectacle de Damiano Michieletto, au Théâtre des Champs-Élysées, en 2022, est Giulio Cesare, qui lui va comme un gant. Quant à Max Emanuel Cencic, notre Tolomeo, c’est non seulement un chanteur magnifique, comme chacun sait, mais aussi un directeur artistique, dont les mises en scène, dans son festival, à Bayreuth, sont très intéressantes.

Gianluca Capuano, chef principal de l’orchestre Les Musiciens du Prince-Monaco, qui vous accompagne désormais dans tous vos projets scéniques – et sera donc au pupitre de Giulio Cesare –, dirigeait très peu d’opéra avant votre rencontre. Comment vous êtes-vous trouvés ?

Gianluca est organiste, et claveciniste. Je l’ai connu alors qu’il préparait les chœurs, sur notre production de Norma, au Festival de Pentecôte de Salzbourg, en 2013. J’avais été impressionnée par le résultat qu’il avait obtenu, avec le Coro della Radiotelevisione Svizzera de Diego Fasolis. Puis, en 2016, à Édimbourg, il a remplacé le chef prévu dans ce même spectacle. C’est de là que tout est parti, car on s’est rendu compte que nous nous entendions très bien. Cette alchimie, on l’a ou on ne l’a pas ! Gianluca est très attentif aux voix, et sait aussi créer, avec l’orchestre, un équilibre, en même temps qu’une intensité de jeu. C’est un excellent musicien, pas seulement dans le répertoire baroque, mais aussi classique, et préromantique. Nous avons fait, ensemble, du Gluck, du Mozart… et du Rossini, que j’adore sur instruments d’époque. Ils arrivent à lui donner une effervescence que les orchestres modernes ne peuvent pas atteindre, ce côté virtuose et velours à la fois.


Ariodante à Salzbourg (2017). © Salzburger Festspiele/Monika Rittershaus

Comme pour Sesto (La clemenza di Tito), que vous aviez enregistré, au début des années 1990, mais jamais incarné sur scène, avant une série de concerts mis en espace, débutée à Salzbourg, en 2021, vous avez récemment repris Rosina (Il barbiere di Siviglia), que vous aviez abandonnée en 1999 ! Pourquoi revenir à ces rôles de votre jeunesse ?

Je n’avais, en effet, jamais chanté Sesto sur scène. Durant les premières années de ma carrière, j’étais la Romaine typique, cheveux longs, yeux noirs, taille fine… Alors les rôles en travesti, pas question, me répondait-on ! Vous êtes la femme italienne par excellence. Oui, mais j’aimerais quand même… Non, avec une telle poitrine… Alors même que ma voix était parfaite pour cela ! Le désir de les chanter a toujours été là, mais les metteurs en scène me voyaient différemment. Ce rêve, petit à petit, je suis parvenue à le réaliser, à Salzbourg, avec Ariodante. Je me suis longtemps concentrée sur les rôles féminins, c’est pourquoi j’ai vraiment quelque chose à dire dans ces parties écrites pour des voix de castrat, qui exigent à la fois de la virtuosité et des grandes lignes.

Et vous allez enfin incarner Sesto en version scénique, à Salzbourg…

La clemenza di Tito, dans une mise en scène de Robert Carsen, sera la première production d’un opéra de Mozart au Festival de Pentecôte, depuis le début de mon mandat. On m’a toujours demandé pourquoi je n’en faisais pas… Eh bien, voilà : en 2024, toute la programmation lui sera dédiée ! C’est d’ailleurs le compositeur que j’ai le plus chanté dans ma carrière, avec Rossini.

Qu’avez-vous ressenti en reprenant, à Salzbourg toujours, en 2022, le rôle de Rosina, que vous avez tant chanté pendant les dix premières années de votre carrière ?

À l’époque, je trouvais le rôle d’Angelina (La Cenerentola) plus intéressant, parce qu’il se développe au cours de l’opéra. Rosina, elle, reste un peu la même, du début à la fin. La pauvre ne sait pas ce qu’il va lui arriver, après son mariage avec le Comte Almaviva… Mamma mia ! Les choses vont changer… Ma chère Rosina ! Dans cette production d’Il barbiere di Siviglia, Rolando Villazon a ajouté un personnage, interprété par le transformiste Arturo Brachetti. J’ai trouvé cette idée passionnante, et je me suis prise au jeu, en rechantant Rosina, une dernière fois. C’est un cadeau que je me suis offert. Et quel plaisir de le faire, enfin, avec des instruments d’époque ! C’était maintenant ou jamais. Je me suis régalée !


Rosina dans Il barbiere di Siviglia, à Monte-Carlo (2023). © OMC/Marco Borrelli &
Isabella dans L’Italiana in Algeri, à Zurich (2023). © Monika Rittershaus

Vous avez, en revanche, attendu longtemps avant de chanter Isabella (L’Italiana in Algeri), que vous allez reprendre, à l’Opernhaus de Zurich, à partir du 31 décembre…

C’est une autre personnalité. Et une autre vocalité, qui joue vraiment sur la tessiture de mezzo, quelquefois alto, mais n’en a pas moins besoin, à la fin, de toute l’extension dans l’aigu. Surtout, Isabella est, contrairement à Rosina, un symbole d’émancipation de la femme, d’ailleurs inspiré d’un personnage réel. Elle quitte son pays pour retrouver l’homme qu’elle aime, et commence à faire, plus ou moins, des expériences avec Taddeo sur le bateau… Je ne peux pas m’imaginer une jeune chanteuse arrivant sur scène avec une telle assurance. C’est pourquoi j’ai attendu. Un peu de maturité, cela sert à quelque chose !

Cleopatra, Semele, Alcina, Ariodante… Avez-vous assouvi tous vos désirs haendéliens ?

Je vais aborder Agrippina, un rôle intéressant à jouer, plus qu’à chanter. C’est une femme pas facile ! J’ai le projet de le faire, à Zurich, en 2025.

Alcina vous a-t-elle nourrie, comme artiste, et comme personne ?

Haendel a écrit pour Alcina la plus belle scène de tout l’opéra baroque. Le « Scherza infida » d’Ariodante est magique, et le « Cara sposa » de Rinaldo, magnifique, mais quand commence « Ah ! mio cor », tout le monde arrête de respirer. Parce que c’est un moment de grâce. Alcina est un rôle de solitude, qui nous révèle l’être humain dans son rapport à l’âge. C’est un miroir tendu à toutes les femmes…

Et donc, à vous-même…

Je suis assez lucide.

Avec vos nouvelles responsabilités, comment envisagez-vous la suite de votre carrière – ces rôles que vous ne chanterez plus, et ceux que vous rêviez de faire, en les trouvant trop dangereux, peut-être, mais que vous pourriez maintenant vous permettre, parce que le moment est venu ?

Je pense que Norma restera le rôle le plus dangereux de toute ma carrière. Je n’avais, d’ailleurs, pas prévu de l’aborder ! L’idée m’est venue, lorsque j’ai monté mon projet sur Maria Malibran. Je me suis rendu compte que son répertoire, mais aussi celui de Giuditta Pasta, n’étaient pas si éloignés du mien. Alors, puisque ces chanteuses avaient pris le risque d’incarner ce personnage, qui est si difficile, pourquoi pas moi ? Mais c’était un vrai défi, de surcroît avec des instruments d’époque, et un travail qui allait contre la tradition. Tradition, trahison ! Il est clair que je ne chanterai plus ni Rosina, ni Angelina/Cenerentola. Ou peut-être le rondo final, à la maison, pour des amis, parce que j’arrive toujours à le faire. Grâce à la bonne technique que j’ai reçue de ma maman ! Je vais aborder Agrippina, comme je vous l’ai dit. Et puis, je chante moins qu’avant. Je partais en tournée, en Chine, en Corée, au Japon… Mamma mia ! Désormais, Monte-Carlo et Salzbourg sont mes deux bases. J’essaie de garder du temps pour de petites séries de concerts, mais sans faire soixante, voire quatre-vingts soirées par an, comme autrefois. J’aimerais, aussi, revenir au récital avec piano.


Norma à Salzbourg (2013). ©  Salzburger Festspiele/Hans Jörg Michel

Et le disque ? Depuis Farinelli, paru chez Decca, en 2019, vous n’avez plus enregistré de nouvel album…

Honnêtement, le compact disc, c’est fini ! Et si le vinyle revient, c’est juste pour les collectionneurs. Tout est dans les téléphones portables, aujourd’hui. Mais la vraie façon d’écouter la musique reste en direct. Nous l’avons compris avec le Covid, quand ce que nous tenions pour acquis s’est arrêté : si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain, ou après-demain… Eh bien, non, il faut aller au concert maintenant ! Je fais des enregistrements, uniquement si j’ai quelque chose à raconter, à défendre. La version de Parme d’Orfeo ed Euridice de Gluck, que nous avons donnée à Salzbourg, cette année, ferait un disque intéressant. D’autant qu’Orfeo est un beau rôle pour moi. Une compilation est prévue, avec quelques extraits inédits, mais des albums comme Sacrificium, Opera proibita ou Farinelli demandent des recherches, et j’ai un peu moins de temps.

Decca vous a confié la série « Mentored by Bartoli », dans laquelle sont sortis les premiers albums de Javier Camarena (Contrabandista, 2018) et Varduhi Abrahamyan (Rhapsody, 2021). Va-t-elle se poursuivre ?

Le Covid l’a interrompue, mais elle doit continuer. J’ai été très heureuse pour Javier Camarena, qui n’avait jamais enregistré de récital, et Varduhi Abrahamyan est une artiste merveilleuse. Nous venons de lancer, à l’Opéra de Monte-Carlo, le projet d’une académie lyrique, pour les jeunes solistes. Parce qu’ils ont besoin de guides, comme j’en ai eu moi-même, au début de ma carrière. À l’époque, quand nous faisions des disques, nous avions un producteur à nos côtés, pour nous conseiller sur le répertoire, et la façon de préserver notre instrument. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui. Il faut aider les jeunes artistes à trouver le bon chemin. C’est la clé de la longévité vocale.

Propos recueillis par MEHDI MAHDAVI

(1) L’entretien a été réalisé le 24 octobre 2023.

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