Opéras Émouvant Requiem de Mozart à Bordeaux
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Émouvant Requiem de Mozart à Bordeaux

31/01/2023
© Éric Bouloumié

Grand-Théâtre, 22 janvier

Plus de trois ans après la production de Romeo Castellucci, au Festival d’Aix-en-Provence (voir O. M. n° 153 p. 31 de septembre 2019), le Requiem de Mozart retrouve la scène, avec une proposition dramaturgique radicalement différente. Là où la réalisation aixoise brillait par un certain faste visuel, celle-ci se distingue par sa démarche éco-responsable : une production « zéro achat », recyclant des éléments déjà existants.

Les décors sont donc peu nombreux – des caisses en bois, de grands voilages, puis un miroir inclinable –, et les costumes assez uniformes. Mais cette simplicité incarne l’idée centrale de Stéphane Braunschweig : le dénuement et l’égalité de tous face à la mort.

Simplicité ne rime pas, pour autant, avec facilité ou austérité : le metteur en scène déploie, au contraire, des images superbes, signifiantes, et souvent émouvantes. Les caisses en bois sont ainsi des cercueils de fortune, puis un plateau, enfin une croix, et, dans leurs vêtements modernes, les chanteurs servent de miroir au spectateur.

L’émotion que l’on a sentie dans le public vient probablement de cette lisibilité du propos, et de l’humanité qui s’en dégage. On n’entend plus une messe, mais on assiste à une expérience individuelle et collective de la mort, incarnée par les solistes et les choristes.

Une autre idée forte est la représentation de Mozart sous les traits de la soprano, seule à porter un costume XVIIIe. Après les premières mesures du Lacrimosa (les dernières écrites par le compositeur), son personnage quitte la scène. Une image simple, encore une fois, mais efficace, qui continue à interroger cette double dimension d’individualité et de collectif.

Préparé par Salvatore Caputo, le Chœur de l’Opéra National de Bordeaux révèle ici des qualités dramatiques remarquables, les visages et les corps étant profondément habités par le tragique de l’œuvre. La spatialisation impliquée par la mise en scène sert également la musique, donnant des atmosphères et des textures très différentes, en fonction des numéros.

On apprécie particulièrement, chez les choristes, les couleurs qu’ils sont capables de déployer, notamment dans les moments de dialogue entre les voix masculines et féminines : et cela, sans jamais chercher un dramatisme exacerbé ou un son trop imposant. Même dans les dernières pages, où Stéphane Braunschweig met en valeur la dimension religieuse du Requiem, avec une immense croix occupant le centre du plateau, les chanteurs gardent une dimension humaine et une conscience aiguë du texte.

Le quatuor de solistes, le plus souvent mêlé au chœur, convainc grâce à des personnalités vocales très distinctes. Hélène Carpentier déploie ainsi une grande douceur, tandis que Fleur Barron a davantage de profondeur et une sensibilité plus exacerbée. Le timbre acéré d’Oleksiy Palchykov contraste, enfin, avec l’autorité et l’intériorité de Thomas Dear.

Dans la fosse, Roberto Gonzalez-Monjas dirige avec des intentions claires et lisibles. Sa lecture est incarnée, jamais écrasante ou sensationnaliste. Et, après les premières mesures un peu incertaines de l’Introitus, l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine retrouve sa précision, accompagnant intensément la dramaturgie déployée sur le plateau.

Un accord très réussi entre la fosse et la scène, où Stéphane Braunschweig ne vient jamais forcer l’œuvre, ni la trahir, mais l’humaniser.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN


© Éric Bouloumié

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