Actualités Edith Mathis 1938-2025
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Edith Mathis 1938-2025

17/02/2025
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Née le 11 février 1938 à Lucerne, la soprano suisse Edith Mathis s’est éteinte le 9 février dernier à ­Salzbourg. Artiste discrète, elle a mené une carrière à la fois immense et raisonnable, recherchée par des chefs comme Böhm, Karajan, Bernstein, Kleiber ou Kubelik, et très présente au disque, avec des gravures légendaires comme Le nozze di Figaro de Böhm ou Der Freischütz de Kleiber chez Deutsche Grammophon.

Encore étudiante, Edith Mathis fait ses débuts dès 1956 à Lucerne, en deuxième garçon de Die Zauberflöte. En 1959, elle est déjà en troupe à Cologne, puis, de 1963 à 1971, au Deutsche Oper de Berlin, mais décline l’offre de Karajan d’intégrer celle de Vienne, y redoutant les intrigues. Elle est régulièrement présente à Hambourg et surtout à Munich, où elle sera nommée Kammersängerin en 1979. Une carrière ancrée en terres germaniques donc, à l’exception notable du Festival de Glyndebourne dès 1963, et placée sous le signe de Mozart : Cherubino est un peu partout son rôle d’entrée, même si Salzbourg la voit d’abord, dès 1960, dans La finta semplice (elle y reviendra très souvent). Au tournant des années 1970, les horizons s’élargissent avec Londres et New York, et même Paris. 

Chanteuse essentiellement germanique, elle le fut aussi par le répertoire. Mozart en tête donc, où elle s’illustre dans les grands titres, mais aussi, avec Leopold Hager, dans les opéras de jeunesse, Richard Strauss (Sophie du Rosenkavalier, Zdenka d’Arabella), Beethoven (Marzelline de Fidelio), Weber (Ännchen du Freischütz), sans oublier Nicolai ou Lortzing. Elle prend également part à quelques créations de von Einem, Henze et Menotti.

Dans une carrière remarquablement équilibrée sur ses trois piliers – opéra, oratorio et lied –, notons l’importance de Bach (surtout avec Karl Richter), de Haydn (Die Schöpfung et Die Jahreszeiten, mais aussi les opéras Il mondo della luna et L’infedeltà delusa avec Antal Dorati), comme de Schubert et Schumann, avec des raretés tels Lazarus et les Szenen aus Goethes Faust. Quant au lied, de Mozart à Wolf et Strauss, en passant par Schoeck et même Bartok, elle le porte dans le monde entier. 

Son soprano lyrique léger se distinguait par un médium dense et un timbre très concentré et lumineux. Fermeté de l’émission, homogénéité, netteté, discipline dans la virtuosité et legato infaillible furent ses marques de fabrique, au service d’une énonciation du texte claire, mais jamais surlignée, et d’une caractérisation juste et simple, qui savait faire entendre le sourire comme la mélancolie. En revanche, c’est un mystère que l’absence de vrai aigu piano dans sa panoplie technique. 

D’une prudence de son propre aveu presque excessive, elle aborda néanmoins, dans ses dernières années d’opéra, des rôles un peu plus lourds : la Comtesse après tant de Suzanne (Le nozze di Figaro) ou Agathe (Der Freischütz). Pour ses adieux à la scène, en 1990 à Berne, elle donna même sa première et unique Maréchale (Der Rosenkavalier). Elle poursuivit son activité de concert jusqu’en 2001, et accepta une classe de lied et oratorio à Vienne.

L’image de sérieux et de discipline de cette belle artiste ne doit surtout pas occulter un aspect essentiel : le charme, très audible, mais encore plus éclatant à l’image, en Cherubino, Ännchen ou Pamina, sans oublier la 4e de Mahler amoureusement dirigée par Bernstein. Sa frimousse, son sourire craquant, ses grands yeux si expressifs ne la faisaient-ils pas comparer à Audrey Hepburn ?

THIERRY GUYENNE

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