Éditorial Perspectives
Éditorial

Perspectives

29/04/2024
Antoinette Dennefeld et Anne-Catherine Gillet dans Le Domino noir, mis en scène par Valérie Lesort et Christian Hecq, à Liège (2018). © Opéra Royal de Wallonie-Liège/Lorraine Wauters

Après l’Opéra National de Paris et le Théâtre des Champs-Élysées (voir notre dernier éditorial), ­l’Opéra-Comique a annoncé sa saison 2024-2025. Pour compléter l’offre des grands théâtres lyriques de la capitale, ne manque plus que le Châtelet, dont la programmation sera connue le 21 mai.

Comme toujours, l’affiche de la Salle Favart est équilibrée : hommage à l’« opéra-comique » de la première moitié du XIXe siècle, avec la reprise du Domino noir d’Auber, dans la délicieuse mise en scène de Valérie Lesort et Christian Hecq ; forte présence du « baroque », avec une nouvelle production des Fêtes d’Hébé de Rameau, confiée à l’incontournable duo William Christie/Robert Carsen, et la première parisienne de Samson, « pasticcio » d’œuvres de ce même Rameau, conçu par Raphaël Pichon et Claus Guth, dont la création aura lieu, dans deux mois, au Festival d’Aix-en-Provence ; place accordée au contemporain, avec Picture a day like this de George Benjamin, dans le spectacle de Daniel Jeanneteau et Marie-Christine Soma, proposé à Aix, en 2023.

Mon œil a été plus particulièrement attiré par deux titres qui me tiennent à cœur. La fascinante Médée de Cherubini, d’abord, que la brochure annonce dans sa version originale : « Opéra-comique en trois actes. Livret de François-Benoît Hoffman. Créé le 13 mars 1797, au Théâtre Feydeau. Spectacle en français. » Est-ce bien elle que l’on verra ? A priori, on devrait échapper à la médiocre traduction française de l’édition germano-italienne de Franz Lachner, avec récitatifs chantés, que l’Opéra National de Paris avait affichée pour sa dernière présentation in loco, en 1986. Mais Laurence Equilbey et Marie-Ève Signeyrole, maîtresses d’œuvre de la production, oseront-elles respecter les longs dialogues parlés d’Hoffman, en alexandrins, redoutables à déclamer pour les chanteurs actuels ? Surtout avec Joyce El-Khoury dans le rôle-titre, artiste captivante s’il en fut, mais dont la netteté du français n’a jamais été la qualité première…

Ensuite, je déborde d’enthousiasme à la perspective de découvrir, mise en scène, la version originale de Faust, telle que jouée au Théâtre-Lyrique, en 1859. Une version « opéra-comique », là encore, avec des dialogues parlés et nombre de pages coupées ou modifiées plus tard par Gounod, que le Palazzetto Bru Zane nous avait révélée en concert, puis au disque (voir O. M. n° 154 p. 80 d’octobre 2019). Avec Louis Langrée à la baguette, Denis Podalydès, Éric Ruf, Christian Lacroix et Bertrand Couderc aux commandes de la partie visuelle, le succès est garanti. D’autant que la distribution est l’une des meilleures que l’on puisse réunir, aujourd’hui, pour ce Faust « des origines » : Julien Dran dans le rôle-titre, Jérôme Boutillier en Méphisto, Vannina Santoni en Marguerite, Lionel Lhote en Valentin (privé de son célèbre « Avant de quitter ces lieux», ajouté en 1864 !), Juliette Mey en Siébel…

En région, également, les théâtres lèvent progressivement le voile sur leur programmation. L’Opéra National du Rhin, qui n’a pas encore annoncé la sienne, avance, en revanche, sur les travaux de restauration et de restructuration, dont l’Opéra de Strasbourg a impérativement besoin. Un communiqué de presse, diffusé le 9 avril, spécifie que, pendant la durée de la rénovation, les saisons seront organisées « hors les murs ». Plus précisément au Palais des Fêtes, construit en 1903, qui sera spécialement aménagé pour l’occasion.

Après Avignon et Toulon, ces dernières années, on se réjouit que les théâtres vétustes de l’Hexagone fassent, l’un après l’autre, peau neuve. À quand l’Opéra de Marseille, dont l’état de délabrement fait peine à voir, malgré les rustines posées çà et là ? Alors que Maurice Xiberras, son directeur général, continue à proposer des affiches alléchantes, le bâtiment, propriété de la Ville, se dégrade inexorablement. Depuis vingt ans, tout le monde tire la sonnette d’alarme mais, à l’heure où j’écris ces lignes, aucune opération d’envergure, sauf erreur, n’a été amorcée.

La période que nous vivons est-elle, pour autant, la plus propice aux investissements ? L’heure est, plus que jamais, aux économies, dans tous les secteurs, du côté des collectivités locales comme de l’État. Depuis le 21 février, on sait, par exemple, que le budget affecté par ce dernier au ministère de la Culture, en 2024, doit être amputé de 204 millions d’euros. L’Opéra National de Paris est l’un des premiers touchés, avec 6 millions d’euros en moins, ce qui n’a rien de négligeable. La crainte concerne, à présent, les compagnies de format beaucoup plus modeste : réussiront-elles à survivre ?

RICHARD MARTET

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