Opéras Une Veuve joyeuse déséquilibrée à Zurich
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Une Veuve joyeuse déséquilibrée à Zurich

28/03/2024
Katharina Konradi (Valencienne). © Monika Rittershaus

Opernhaus, 5 mars

Défenseur de l’opérette berlinoise, quand il était directeur du Komische Oper, Barrie Kosky était forcément attendu, aussi, dans l’opérette viennoise. Sans répit, après Die Fledermaus (La Chauve-Souris), au Bayerische Staatsoper de Munich, en décembre dernier (voir O. M. n° 200 p. 64 de mars 2024), il enchaîne avec Die lustige Witwe (La Veuve joyeuse), à l’Opernhaus de Zurich.

Le démarrage est lent, et même assez pesant, et l’on se dit que le metteur en scène australien, craignant d’effaroucher les banquiers suisses, a laissé au vestiaire tout second degré : du strass, des paillettes et des plumes, certes, mais peu de rythme et d’esprit. La seule audace – très relative – est d’avoir confié le rôle parlé du secrétaire Njegus à une comédienne, Barbara Grimm, qui dessine un de ces personnages décatis, bavards et cyniques, que Barrie Kosky affectionne.

La déception est donc sensible, dans un premier temps. D’autant que, visuellement, les décors de Klaus Grünberg sont rudimentaires, voire austères : quelques appliques « Art nouveau » aux murs et, au centre, en surplomb d’un plateau tournant, un grand rideau plissé, qui évolue sur un rail arrondi, divisant le plateau en espaces ouverts et recoins intimes.

Tout le budget de la production semble avoir été investi dans les costumes, somptueux, de Gianluca Falaschi, tant pour la petite société de l’ambassade que pour les multiples danseuses et danseurs, aux coiffes hallucinantes – avec les chorégraphies millimétrées de Kim Duddy, les bals et fêtes prennent des allures de carnaval de Rio.

Puis, peu à peu, si l’on accepte de laisser définitivement son esprit critique au vestiaire, comme on le fait au cinéma, pour savourer une comédie romantique au premier degré, on finit par prendre goût à cette lecture. Au-delà d’une grande fidélité au livret, Barrie Kosky instille une dimension douce-amère, liée, aussi, au choix, pour le couple principal, de deux chanteurs en pleine maturité, riches de vécus multiples.

Pilier quasiment « historique » de l’Opernhaus de Zurich – il a fait partie de la troupe, à ses débuts –, Michael Volle, à 60 ans passés, campe un Danilo désabusé et bougon, mais avec un fond de tendresse, pas très différent, en somme, du Sachs (Die Meistersinger von Nürnberg), qu’il incarne régulièrement. La voix du baryton allemand reste d’une tenue parfaite, avec un moiré d’harmoniques et un mordant attendri, qui rendent le personnage d’autant plus attachant. De quoi former, avec l’Hanna Glawari de Marlis Petersen, un couple idéal de vieux amants.

Hélas, souffrant d’un refroidissement, la soprano allemande a dû déclarer forfait pour plusieurs représentations, remplacée par sa compatriote Elissa Huber. L’aigu est beau, la « Chanson de Vilya » ne manque pas de panache, mais le timbre n’est pas des plus séduisants. Et comme cette remplaçante est plus jeune, et que son parcours est moins prestigieux, le binôme avec son partenaire est moins équilibré.

Éblouissante Adele dans Die Fledermaus, à Munich, Katharina Konradi triomphe à nouveau, en incarnant une Valencienne déjantée, et Andrew Owens lui donne, en Camille de Rosillon, une réplique délicieuse. On retrouve, aussi, Martin Winkler, qui campait Frank, dans l’opérette de Johann Strauss, au Bayerische Staatsoper : tout au premier degré, voire un peu surjoué, son Baron ne manque pas de vis comica.

Dirigeant l’orchestre Philharmonia Zürich, le jeune chef autrichien Patrick Hahn (28 ans seulement)  réussit à restituer toute la verve de l’œuvre, sans tomber dans la vulgarité.

NICOLAS BLANMONT

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