Opéras Salomé en français à Metz
Opéras

Salomé en français à Metz

25/04/2024
Hedvig Haugerud (Salomé). © Opéra-Théâtre de l'Eurométropole de Metz/Philippe Gisselbrecht

Opéra-Théâtre, 9 avril

L’Opéra-Théâtre de l’Eurométropole de Metz a choisi de donner Salome (Dresde, 1905) en français, non pas dans la version que composa directement Richard Strauss sur le texte d’Oscar Wilde – et qu’ont ressuscitée, en 1990, à l’Opéra de Lyon et au disque (CD Virgin Classics), Kent Nagano, Karen Huffstodt et José Van Dam –, mais dans la traduction française, effectuée par Joseph de Marliave, en 1910, du livret allemand.

Pour cette nouvelle production, Joël Lauwers a souhaité souligner l’enfermement dans lequel se trouvent les protagonistes, en situant le drame dans un lieu sombre, étouffant, à mi-chemin du salon bourgeois et du café viennois 1900. Le magnifique décor, noir et luisant, signé Helmut Stürmer, par ailleurs somptueusement éclairé, et qui, parfois, pivote avec lenteur, ne reste, toutefois, qu’un décor, que n’habite aucune mise en scène digne de ce nom.

Ainsi, comment croire en un prophète dont la voix intrigue, quand on ne le voit pas, mais qui perd toute force, tout mystère, en apparaissant benoîtement vêtu d’un costume de ville ? Une fois qu’on lui a offert sa tête, Salomé, d’ailleurs, s’en désintéresse, la jette avec négligence dans un fauteuil, alors que cette décapitation est, à la fois, le nœud de l’intrigue et l’éclatant sommet de la partition.

À la toute fin, voilà Iokanaan qui revient et l’embrasse paternellement. Et comme par enchantement, quand la jeune fille est tuée, à son tour, jaillissent des taches de sang sur le lit à rideaux, glissant à plusieurs reprises, côté jardin. C’est que, voyez-vous, elle est devenue femme ! Constat qui ne touche guère le prophète, qui sort du plateau comme un VRP ayant signé une bonne affaire…

C’est peut-être, d’abord, ce Iokanaan anodin, auquel Pierre-Yves Pruvot prête, pourtant, un instrument plein d’aplomb, qui rend le spectacle aussi indécis. Mais Salomé n’est pas mieux traitée : alors qu’elle ne devrait être que volonté, caprice et sensualité, la princesse de Judée a l’air, ici, de s’ennuyer, velléitaire et irrésolue. Joël Lauwers lui a imaginé un double, sous la forme d’une danseuse qu’on aperçoit furtivement, à deux ou trois reprises, notamment au début de la « Danse des sept voiles ». Mais ce n’est pas elle qui danse !

Pendant cet épisode, tout le monde valse avec tout le monde (sauf elle), Hérode se mire dans un plateau d’argent, et Iokanaan, le manteau sur le bras, est accueilli comme un sympathique invité. Finalement, c’est Hérodias, dont la présence nous captive le plus. Avec sa haute stature, ses cheveux noirs et ses coupes de champagne, Julie Robard-Gendre est une espèce de fée Carabosse.

Chacune de ses interventions, émises d’un mezzo sombre et péremptoire, fait mouche, cependant que Milen Bozhkov, ni veule, ni cynique, est un Hérode tout aussi falot que Iokanaan, l’autorité vocale en moins. Si tous les interprètes articulent avec naturel, on accordera une mention particulière au séduisant Narraboth de Sébastien Droy, ainsi qu’au Page de Marie-Juliette Ghazarian.

Dans le rôle-titre, enfin, Hedvig Haugerud réjouit par ses aigus d’acier, ses feulements dans le grave, son médium réellement soyeux, sensuel, troublant. On aimerait, cependant, de la part de l’actrice, davantage d’imagination. Mais le contexte ne s’y prête guère, et la scène finale tient, ici, davantage de l’air de concert que du corps-à-corps érotique. L’essentiel est que la soprano norvégienne tienne tête à l’orchestre, sans difficulté apparente.

Il est vrai que Lena-Lisa Wüstendörfer dirige avec un soin de chaque instant. Même si plusieurs instrumentistes sont installés sur deux hauteurs de loges, de part et d’autre de la fosse, l’Orchestre National de Metz Grand Est n’étouffe jamais les chanteurs. Et les cordes ne suffoquent jamais sous les cuivres.

Soucieuse avant tout d’équilibre, la jeune cheffe suisse ne privilégie pas la sensualité ou le chatoiement des timbres. Elle donne, plutôt, à cette représentation, une structure qu’on aura cherchée, en vain, dans la mise en scène.

CHRISTIAN WASSELIN

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