Opéras Une Tosca immersive à Avignon
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Une Tosca immersive à Avignon

25/04/2024
Barbara Haveman (Floria Tosca) et André Heyboer (Il Barone Scarpia). © Studio Delestrade - Avignon

Opéra, 9 avril

Présentée, pour la première fois, en novembre 2022, au Théâtre de Trèves (Theater Trier), cette efficiente Tosca, mise en scène par Jean-Claude Berutti, s’impose, avec succès, à l’Opéra Grand Avignon, son coproducteur. D’une grande lisibilité et d’une esthétique traditionnelle parfaitement assumée, le spectacle remporte, en effet, les faveurs du public.

Il faut admettre que l’imparable progression dramatique de l’œuvre embarque le spectateur par sa pertinence théâtrale. Entièrement habillée et portée par les vidéos de Julien Soulier et Virginie Lançon, la scénographie immersive, conçue par Rudy Sabounghi, invite à suivre les protagonistes au plus près.

De fait, chaque acte débute par le visionnage d’une carte de Rome et des lieux clés du livret. En parfait accord avec la fluctuation émotionnelle des personnages, le mouvement subtil des décors numérisés prolonge, ainsi, l’impact de la dimension « vériste » de l’opéra. Le travail sur le jeu d’acteur privilégie, lui aussi, les postures simples et explicites. En ce sens, gestes et attitudes permettent d’asseoir, sans méprise possible, les enjeux du drame qui couve.

De même, pour simplifier certaines circulations, une simple trappe, au centre de la scène, suffit à figurer, tour à tour, un abri secret, une salle de torture, une porte de cellule. Les costumes très sobres de Jeanny Kratochwil, les éclairages tout en fondus de Lutz Deppe renforcent, quant à eux, la vision épurée et concise de Jean-Claude Berutti.

Le plateau vocal se montre, en revanche, moins convaincant, et même plutôt disparate. Dans le rôle-titre, Barbara Haveman exhibe un timbre capiteux, dont les couleurs séduisent au premier abord. Néanmoins, malgré un chant positivement passionné et ample, l’instrument apparaît instable dans ses effusions et néglige le legato dans « Vissi d’arte ». Enfin, l’incarnation se révèle trop sentencieuse pour être totalement émouvante. Dommage, car la présence en scène de la soprano néerlandaise ne manque pas de charme.

Pour son premier Cavaradossi, Sébastien Guèze mobilise, à l’évidence, toutes ses ressources et tout son talent, mais cela ne suffit pas. Pourtant très en voix, le ténor français fait valoir de réelles qualités : belle projection, diction soignée, aigus solaires. Toutefois, il faut admettre que son Mario manque encore, à ce stade, d’épaisseur et d’une véritable égalité dans tous les registres.

Son compatriote André Heyboer impose, de son côté, un Scarpia brutal et intraitable. D’un baryton atrabilaire, quelque peu contraint, lors de sa première apparition, il exulte, ensuite, magistralement, lors de l’évocateur et puissant « Te Deum ». Parmi les comprimari, on retiendra le Sacristain plein d’esprit de Jean-Marc Salzmann et l’Angelotti viril d’Ugo Rabec.

Dans la fosse, Federico Santi embrasse la partition avec une acuité remarquable. Sous sa battue nuancée et vibrante, l’Orchestre National Avignon-Provence, le Chœur et la Maîtrise de l’Opéra Grand Avignon se donnent, littéralement, corps et âme.

CYRIL MAZIN

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