Opéras Tannhäuser à Houston
Opéras

Tannhäuser à Houston

04/06/2025
Tamara Wilson et Russell Thomas. © Michael Bishop

Grand Opera, 11 mai

C’est avec une production musicalement affirmée et scéniquement limpide que Francesca Zambello signe ce nouveau Tannhäuser pour le Houston Grand Opera. Le choix s’est porté sur la version de Dresde (1845), structurellement cohérente mais au détriment du rôle de Vénus. Dommage, tant la mezzo Sasha Cooke impressionne dans cette incarnation sensuelle et lumineuse. Cette option ancre l’œuvre dans une esthétique proche de Weber et Bellini, avec pour résultat une distribution épargnée des lourdeurs vocales traditionnelles. À l’écoute, une étonnante clarté de phrasé se dégage notamment dans les fréquents triolets que Wagner demande à ses interprètes. L’allemand est bien maîtrisé par les cinq rôles principaux, tandis que les jeunes artistes maison, prometteurs, gagneront encore en précision. Instrumentiste de formation (harpe et hautbois), Erik Nielsen, dans la fosse, porte une attention soutenue aux solos emblématiques – clarinette du Venusberg, cor initial – avec une oreille aussi précise que sensible. La harpiste Caitlin Mehrtens livre notamment des interventions remarquables. On saluera également le chœur préparé par Richard Bado, superbement rayonnant.

Côté scène, Zambello excelle dans les fresques d’envergure, et malgré quelques faux pas (l’apparition de Vénus flanquée de trois danseurs à paillettes dignes de Las Vegas), elle maîtrise l’agencement des foules et les dynamiques spatiales. Des projections poétiques évoquant Caspar David Friedrich insufflent une vraie cohérence visuelle. Le salon pastel de Vénus, monde bohème peuplé d’artistes et d’aristocrates, contraste fortement avec l’univers rigide du Landgrave, ici en communauté mennonite, choix judicieux sous les cieux texans. Leur salle du tournoi de chant prend la forme d’une austère église de bois, mystérieusement ravagée par la neige à l’acte III. L’ensemble séduit par sa justesse esthétique, même si l’on s’interroge sur la présence de pèlerinages et d’un pape dans ce contexte protestant… La mise en scène lorgne parfois vers une expressivité contemporaine un brin sentimentale : gestes empruntés aux comédies romantiques hollywoodiennes et accolades improbables viennent perturber la belle unité d’époque. Mais l’ensemble fonctionne et culmine dans un finale où, curieusement, Tannhäuser survit.

Sur le plan vocal, Russell Thomas livre un rôle-titre d’exception. Timbre clair, projection sans faille, aigus soignés, récit de Rome intelligemment nuancé : il survole la soirée avec aisance, jusque dans les ensembles les plus chargés. Son engagement scénique, sa relation finement construite avec Elisabeth et Wolfram signent une interprétation touchante et variée en dynamique. Tamara Wilson, voix homogène et ligne impeccable, trouve en Elisabeth un rôle taillé pour elle. Moins incisive dans l’aigu que certaines devancières, elle compense par une grande sincérité dans les moments d’intimité, notamment dans sa prière finale. Sasha Cooke, Texane adulée, incarne une Vénus captivante, cousine wagnérienne de Violetta, avec un legato fluide et des aigus lumineux.

À 28 ans, Luke Sutliff (Wolfram) dévoile un très beau baryton lyrique, léger mais expressif, dessinant de sublimes arcs sonores, même si ses graves manquent encore de projection. En Landgrave, Alexandros Stavrakakis offre un superbe timbre de basse, richement nuancé. Après un premier acte un peu heurté, il trouve une ligne plus noble et régulière. La version de Dresde donne un coup de projecteur bienvenu sur le Walther du ténor Martin Luther Clark, voix prometteuse, tandis que Cory McGee (Biterolf) allie souplesse et autorité. En Pâtre, la mezzo Ani Kushyan, costumée en novice, peine à faire briller un timbre trop sombre pour ce rôle cristallin, mais au final, Houston a offert à son public un Tannhäuser de grande classe.

DAVID SHENGOLD

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