Opéras Ariadne auf Naxos à Hambourg
Opéras

Ariadne auf Naxos à Hambourg

08/02/2025
© Monika Rittershaus

Staatsoper, 29 janvier

Si Elektra (voir O. M. n° 179 p. 37 de février 2022) et Salome (voir O. M. n° 199 p. 70 de février 2024) pouvaient présenter suffisamment de similitudes pour fonder un cycle Strauss, Dmitri Tcherniakov reconnait avoir hésité avant de jeter son dévolu sur Ariadne auf Naxos pour terminer la trilogie entreprise à Hambourg avec Kent Nagano. Par l’effet d’un traitement radical, le choix se révèle opportun, et ceux qui ont suivi les trois épisodes du cycle n’hésitent pas à voir en cette conclusion un véritable apogée.

Comme pour les épisodes précédents – et comme souvent chez Tcherniakov – l’action est quelque peu modifiée pour rassembler dans le cadre d’une famille (forcément dysfonctionnelle) l’ensemble des protagonistes de l’opéra, avec l’habituel recours au théâtre dans le théâtre pour intégrer certains aspects du livret dans le nouveau narratif. 

Il n’y a donc pas ici un prologue et un opéra, mais un seul et même opéra en deux parties, qui ne sont d’ailleurs séparées que par un précipité de quelques minutes pour permettre le changement de décor. Ariane est Ariane dès le début, et n’est plus la Primadonna, tout comme Bacchus n’est que Bacchus, et pas un Ténor. Thésée est même présent, et c’est lui qui joue le rôle du Majordome dans la représentation théâtrale qu’il a organisée pour fêter ses noces d’argent avec Ariane, en présence de la famille (le Maître de musique, père d’Ariane, sa tante Naïade et sa cousine Zerbinetta), et d’amis ou étudiants du Maître de musique, comme le compositeur, mais aussi les quatre compagnons de Zerbinetta. Le prologue s’étant terminé sur la crise cardiaque qui terrasse Thésée en pleine fête, la sublime ouverture de l’opéra accompagne la fermeture du cercueil par une Ariane inconsolable, mais à qui Zerbinetta réussira à rendre le sourire en poussant dans ses bras Bacchus, le nouveau boyfriend qu’elle venait de ramener. 

Même irrités, les puristes ne pourront que reconnaître que le tout est fait avec une grande intelligence, sans provocation ni dérision facile, et que les pièces du puzzle ainsi redécoupées s’emboitent de très convaincante façon. De quoi jeter un autre regard sur un grand classique, d’autant que Kent Nagano, qui dirige la soirée avec beaucoup de finesse et d’expressivité – le final, notamment, est à se pâmer – prend soin de mettre en évidence certaines sonorités parfois perdues dans la masse, et tout particulièrement celles des claviers : le piano bien sûr – installé ici sur scène, le pianiste devenant un des amis de la famille –, mais aussi le célesta et l’harmonium.

Si aucune prestation soliste ne laissera une impression exceptionnelle, le plateau est globalement de belle tenue. Le comédien Wolfram Koch impose avec bagout son Thésée/Majordome, tandis qu’Anja Kampe prête à Ariane une expressivité et une puissance qui, pour ne pas être dépourvues de quelques imperfections, n’en émeuvent pas moins. Et l’adéquation physique est parfaite entre la chanteuse et le personnage de femme quinquagénaire dessiné par Tcherniakov.

Nadezhda Pavlova se révèle une Zerbinetta de premier plan, tant par sa maîtrise des exigences techniques du rôle que par le mélange d’humanité, d’humour et de sagesse qu’elle confère au personnage. Et si James McCorkle n’a sans doute pas encore tout l’éclat et toute la projection de certains Bacchus, ici encore, la façon dont il construit son personnage et la sincérité de l’amour qu’il témoigne à Ariane se révèlent plus intéressants que les pures démonstrations de force qu’on entend parfois. 

Le choix d’Ella Taylor pour le rôle du compositeur confirme une tendance actuelle à revenir à des voix de soprano pour ce rôle longtemps apanage des mezzos, mais sans convaincre, tant la voix, simplement honnête, manque d’éclat et de personnalité. Issue du Studio de l’Opéra d’Hambourg, Marie Maidowski se révèle par contre éblouissante dans le rôle d’Echo (qu’elle chante avec des béquilles, bizarrerie alla Tcherniakov), tandis que l’excellent Björn Bürger suscite une fois encore sympathie et admiration en Harlekin, et que Martin Gantner, titulaire chevronné du rôle, est à nouveau impeccable en Maître de musique.

NICOLAS BLANMONT

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