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Eugène Onéguine d’une intelligence constante à Toulouse

03/07/2024
Stéphane Degout (Eugène Onéguine) et Valentina Fedeneva (Tatiana). © Mirco Magliocca

Théâtre du Capitole, 20 juin

Programmée pour la saison 2020-2021 de l’Opéra National Capitole Toulouse, cette nouvelle production d’Eugène Onéguine avait été annulée, comme de nombreux spectacles, au moment de la pandémie. On la découvre, aujourd’hui, avec pratiquement la même équipe artistique. Seul changement majeur, survenu quelques jours avant la première, c’est Patrick Lange qui en assure la direction musicale, en lieu et place de Gabor Kali.

Dès les premières mesures qui accompagnent le lever de rideau, le ton général est donné, avec ce refus de tout alanguissement, ces équilibres parfaitement maîtrisés, que l’on retrouvera jusqu’à la scène finale. Passant d’une ambiance sereine à de soudains embrasements dramatiques, Patrick Lange offre la lecture la plus classique et la plus efficace qui soit.

Par chance, cette approche répond parfaitement à celle de Florent Siaud, qui, avec le concours de Romain Fabre, pour les décors, de Jean-Daniel Vuillermoz, pour les costumes, et de Nicolas Descoteaux, pour les lumières, présente une mise en scène d’une intelligence constante.

Durant les actes I et II, au prix de minimes modifications, l’action se déroule sur deux niveaux. Au plan supérieur, quelques arbres, évoluant au gré des saisons, replacent, dans un cadre plus large, les éléments majeurs de l’intrigue. Au III, une forêt de lustres remplace la nature environnante.

À chaque changement de décor, lumières et costumes, mais aussi quelques projections – de visages, principalement – viennent apporter une touche de couleur locale, sans que rien, jamais, ne soit trop appuyé. La direction d’acteurs bénéficie des soins les plus attentifs, en évitant, là encore, toute routine. Dans un jeu subtil entre réalisme et symbolisme, ce spectacle sait, ainsi, être novateur, tout en restant lisible par tous.

Dans le rôle-titre, on attendait beaucoup de Stéphane Degout, qui trouve là un emploi correspondant parfaitement à ses grands moyens actuels. La voix du baryton français est riche, large, nuancée, colorée avec le meilleur goût. Mais ce qui frappe tout autant, venant après son premier Onéguine, à Bruxelles, en janvier 2023 (voir O. M. n° 190 p. 42 de mars), c’est sa finesse d’approche d’un personnage on ne peut plus complexe, tour à tour distant, cassant, désabusé, excessif, constamment en porte-à-faux.

Face à lui, la soprano ukrainienne Valentina Fedeneva, grande allure et ligne de chant impeccable, sait, avec une subtilité analogue, traduire le caractère de Tatiana, passant de la jeune fille rêveuse à l’épouse consciente de ses devoirs. L’intensité et la justesse de son jeu lui valent un beau triomphe personnel.

Gros succès, également, pour tous les autres interprètes, qu’il s’agisse de la mezzo française Eva Zaïcik, si vive et attachante dans son portrait d’Olga, de la basse allemande Andreas Bauer Kanabas, imposant Grémine, ou encore du Lenski de Bror Magnus Todenes. Le ténor norvégien parvient à camper, avec une parfaite musicalité, un personnage jamais indifférent.

Un grand bravo, aussi, pour tous les danseurs qui, sous la houlette de Natalie van Parys, échappent, non sans humour, aux stéréotypes de la « Ronde paysanne », de la « Valse » et de la « Polonaise ».

Parfois, bien que trop rarement, les retrouvailles avec une œuvre qu’on aime, nous amènent à y découvrir des richesses insoupçonnées. Tel était le cas, pour cette représentation d’Eugène Onéguine.

PIERRE CADARS

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