Opéras Rossini Follies à Toulouse
Opéras

Rossini Follies à Toulouse

06/04/2024
Adèle Charvet (Angelina). © Mirco Magliocca

Théâtre du Capitole, 29 mars

Inattendu rideau de scène pour cette nouvelle production de La Cenerentola, coréalisée par l’Opéra National Capitole Toulouse, avec le Latvijas Nacionala Opera de Riga, où elle a été créée, en 2021. Un couple monumental de jeunes mariés, sous les cloches battantes et une banderole « Wedding 1933 », sur fond d’innombrables coupures de presse, connotant, très explicitement, le monde du cinéma des années 1930, avec noms de vedettes et titres de comédies musicales de la période, bien connus des cinéphiles.

Choisissant de déplacer en bloc l’ensemble dans ce cadre très précisément daté, le duo Barbe & Doucet – formé par le metteur en scène-chorégraphe français Renaud Doucet et le décorateur-costumier canadien André Barbe – s’en donne, ensuite, à cœur joie, pour brosser les décors peints. À commencer par les coulisses encombrées d’un théâtre, où officie Don Magnifico, directeur des lieux, habillé en clown, tandis que Clorinda et Tisbe, en tenues plus que légères, préparent leur entrée pour le spectacle King’s Follies – allusion transparente aux célèbres Ziegfeld Follies. Le reste du plateau est occupé par les tables de maquillage, où Angelina, sobrement, et chastement, vêtue s’occupe à de menus travaux.

Concentrer ainsi le champ, en multipliant les clins d’œil réservés au cinéphile éclairé, impose, inévitablement, les comparaisons avec les moyens et les talents incomparables de l’Hollywood de l’âge d’or, pour les décors construits, comme pour les chorégraphies – celles de Busby Berkeley, au premier chef, auprès desquelles l’ensemble fait forcément un peu pâle figure.

Et puis, le rapport réel avec la comédie musicale américaine des années 1930 reste problématique, où la spécificité de l’esprit rossinien risque de se dissoudre, la direction d’acteurs limitant, du même coup, la caractérisation de personnages réduits à la caricature ordinaire, ou trop sommairement dessinés.

Une distribution de haut niveau compense, en partie. Clorinda et Tisbe tirent bien leur épingle du jeu, par l’égale qualité de leur vocalisation et leurs timbres complémentaires, les aigus percutants de Céline Laborie et le brillant abattage de Julie Pasturaud leur permettant de triompher de tenues inégalement flatteuses.

Remplaçant Nicola Alaimo, d’abord prévu, Vincenzo Taormina assure un solide Don Magnifico, avec un métier, une intelligence, qui font accepter des mimiques plus ou moins utiles. Plus discipliné que souvent, Florian Sempey campe un Dandini de très belle tenue. Leur duo « Un segreto d’importanza » est l’un des excellents moments de la soirée. Légère déception, en revanche, avec l’Alidoro d’Alex Rosen, aux graves bien présents, dans « Là del ciel nell’arcano profondo », dont les exigences n’en sont pas moins autres, en matière de legato, et de nature même de la voix.

Déjà présent dans la récente reprise, au Théâtre des Champs-Élysées, de la production de Damiano Michieletto (voir O. M. n° 198 p. 69 de décembre-janvier 2023-2024), Levy Sekgapane reste un lumineux ténor, toujours éblouissant dans « Si, ritrovarla io giuro », et continuant de nous sidérer par les fusées de ses aigus vertigineux, comme par la longueur du souffle. Regrettons pourtant, cette fois, la séduction limitée du timbre, pour un Don Ramiro un peu en déséquilibre avec son Angelina, au contraire très charmeuse, sur ce plan.

On attendait, en effet, avec grand intérêt, la prise de rôle d’Adèle Charvet : le mezzo coloratura souhaité est bien là – plus qu’un contralto d’agilità. Si le bas médium reste prudent, la voix s’envole merveilleusement. Et le personnage, crânement assuré, finit par emporter pleinement l’adhésion, jusqu’à « Nacqui all’affanno… Non più mesta ».

À la tête d’un Orchestre National du Capitole à son zénith, le très fringant Michele Spotti assume, aux antipodes des lectures « historiquement informées », le Rossini traditionnel le plus pétulant, avec une fougue inépuisable.

FRANÇOIS LEHEL

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