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La Butterfly sans faute de Corinne Winters à Nice

25/03/2024
Corinne Winters (Cio-Cio-San) et Manuela Custer (Suzuki). © Dominique Jaussein

Opéra, 6 mars

Nous ne rendrons pas compte, en détail, de la mise en scène de Daniel Benoin, créée à Nice, en 2013, puis reprise à Antibes, Toulon et Avignon (voir, en dernier lieu, O. M. n° 179 p. 22 de février 2022). Offrant de superbes images, elle se fonde sur un curieux mélange de vision traditionnelle et d’idées plus innovantes, notamment le fait que l’action se déroule dans un monde post-catastrophe nucléaire – n’oublions pas que nous sommes à Nagasaki.

Quand une Madama Butterfly est réussie, on apprécie, généralement, que la protagoniste évolue de la fragile geisha à l’héroïne tragique. Ce n’est pas cette impression que donne Corinne Winters. Dès le début, la soprano américaine offre de Cio-Cio-San une image on ne peut plus sérieuse, sobre, digne, plus mûre que de coutume – c’est que, comme prévient Sharpless, « elle y croit » (« Ella ci crede »).

Cette maturité est cohérente avec son comportement ultérieur. Vocalement, cela se traduit par un refus des minauderies conventionnelles de son entrée, une grande sensualité dans le duo d’amour, une réelle violence que l’artiste assume sans brutaliser son instrument, et une sobriété tragique dans la scène finale, particulièrement réussie. Le phrasé est admirable, le timbre prenant, bref, au faîte de ses moyens, Corinne Winters effectue un sans-faute.

En Pinkerton, Antonio Coriano laisse une impression plus mitigée. Sa première réplique est inaudible, et son insouciant échange avec Sharpless (« Dovunque al mondo ») paraît anodin et plat. En fait, le ténor italien semble se préserver, car la situation s’arrange ensuite. Il n’en reste pas moins un peu léger, malgré une bonne technique, qui lui permet d’assurer le haut médium et l’aigu.

Manuela Custer maîtrise bien tous les registres de Suzuki – le dramatique, comme l’autoritaire. Angel Odena incarne un Sharpless conventionnel – mais comment faire autrement, puisque le personnage est l’image même du bon sens ? Quant aux comprimari, ils sont dignement tenus : Josep Fado, Goro moins grinçant que souvent, Mattia Denti, impressionnant Oncle Bonze, et Luca Lombardo, qui donne une vraie consistance musicale au Prince Yamadori.

Il est évident que Madama Butterfly est un « opéra de chef ». Andriy Yurkevych réalise un merveilleux travail avec l’Orchestre Philharmonique de Nice, comme avec le Chœur de l’Opéra Nice Côte d’Azur, très bien préparé par Giulio Magnanini. La pâte sonore, sensuelle, soyeuse ou crue, est d’une homogénéité parfaite, et d’une tension dramatique de tous les instants.

JACQUES BONNAURE

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