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Turandot de glace et de feu à Dijon

08/02/2024
Raul Gimenez (Altoum) et Catherine Foster (Turandot). © Mirco Magliocca

Auditorium, 2 février

« Nessun dorma ! »… Personne ne dort dans le Pékin de 2023, qui sert de décor à la Turandot mise en scène par Emmanuelle Bastet. Mehdi Mahdavi en avait souligné les mérites, lors de sa création, à l’Opéra National du Rhin, en juin dernier (voir O. M. n° 195 p. 82 de septembre 2023).

Pour cette reprise à l’Opéra de Dijon, Catherine Foster retrouve Turandot, qu’elle a déjà interprétée, rien que durant l’année écoulée, au Covent Garden de Londres, au Staatsoper Hamburg et au Deutsche Oper Berlin. Partageant avec Elisabeth Teige, à laquelle elle succède dans cette production, la problématique d’un instrument peinant, a priori, à dissimuler un mélange de glace et de feu typiquement wagnérien, son interprétation parvient à la même excellence.

Sans doute moins surprenante que sa consœur, dans la manière de négocier sans ménagement les changements de registre, la soprano britannique réussit une incarnation qui séduit par la façon de donner au personnage une forme de fragilité, derrière la verticalité de moments aussi exposés que son entrée (« In questa reggia »).

Déception, en revanche, concernant le Calaf de Kristian Benedikt, bien moins à son aise qu’Arturo Chacon-Cruz dans la ligne périlleuse de « Nessun dorma ! » et tout le finale, donné, ici, dans la version originale d’Alfano. Le ténor lituanien vient à bout du rôle, au prix d’efforts qu’il paie comptant, avec une émission terne et une justesse relative.

Inchangé, à l’exception de Ping et Pang, le reste de la distribution évolue avec une présence stupéfiante dans cet univers, qui se veut le miroir d’une société soumise à la dictature des écrans numériques.

La palme revient à Adriana Gonzalez, Liù dont l’émission subtile et contrastée nourrit des aigus lumineux, en soulignant toute la tension psychologique qui traverse le personnage, au moment de son suicide. Mischa Schelomianski affirme une belle présence, en Timur, sans confondre sentiment et sensiblerie.

Raul Gimenez campe un Altoum débonnaire et paternel, tandis que le Mandarin d’Andrei Maksimov tire brillamment son épingle du jeu, ajoutant une once de plaisir sadique à l’éclat naturel du timbre. Quant au trio des Ministres, il brille par l’aisance d’Éric Huchet, Pong donnant le change, avec beaucoup de mordant et de cynisme, à ses comparses, Pierre Doyen et Saverio Fiore, tous deux jouant sur des qualités d’abattage et de burlesque.

Passant de l’Orchestre Philharmonique de Strasbourg à l’Orchestre Dijon Bourgogne, Domingo Hindoyan plaide du geste et de la vigueur, pour une lecture toujours aussi large de ligne et d’engagement, avec un soin particulier apporté aux équilibres et à la couleur générale.

DAVID VERDIER

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