Opéras La rondine en 1973 à Turin
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La rondine en 1973 à Turin

14/12/2023
Valentina Farcas (Lisette) et Olga Peretyatko (Magda). © Teatro Regio Torino/Andrea Macchia

Teatro Regio, 22 & 23 novembre

Pour célébrer le 100e anniversaire de la disparition de Giacomo Puccini, le Teatro Regio n’a pas hésité à programmer cinq de ses opéras dans sa saison 2023-2024. La rondine, « commedia lirica » en trois actes, est jouée dans sa version initiale, créée à Monte-Carlo, en 1917, mais avec l’ajout, désormais habituel, de l’air de Ruggero (« Parigi ! È la città dei desideri »), composé pour Palerme, en 1920.

Le premier mérite de la direction musicale de Francesco Lanzillotta est de restituer, au plus près, le climat léger et raffiné de la partition, avec ses rythmes de danse alors en vogue (fox-trot, tango…) et son pétillant acte II. Le chef italien est, également, très l’aise dans le « chant de conversation  » du I et du III, dont il traduit l’élégance recherchée, en insistant sur le caractère vaporeux de la trame orchestrale. On saluera, enfin, son souci de ne jamais verser dans le sentimentalisme, quel que soit le désenchantement auquel sont en proie les personnages.

Deux distributions alternent pour les quatre rôles principaux. Olga Peretyatko joue de manière un peu emphatique, mais offre, sur l’ensemble, un portrait convaincant de Magda, l’« hirondelle » du titre, à la fois cynique et mélancolique. Vocalement, malgré une diction perfectible et quelques duretés dans l’émission, elle franchit les écueils de la tessiture. Carolina Lopez Moreno propose un chant plus en règle, mais se montre moins variée dans la caractérisation. Si Valentina Farcas n’a pas beaucoup de puissance, sa Lisette brille par sa verve. Marilena Ruta lui est, en tous points, inférieure.

Raide scéniquement, Mario Rojas, pourtant doté de jolis moyens, se heurte à quelques difficultés d’ordre vocal, en Ruggero. On lui préfère Oreste Cosimo, techniquement solide, aux aigus vigoureux et au phrasé agréablement nuancé. Santiago Ballerini, sans démériter, approfondit moins le personnage de Prunier que Marco Ciaponi, au chant fluide et à la déclamation éloquente. Vladimir Stoyanov met bien en relief l’hypocrisie de Rambaldo, entouré de bons comprimari – très nombreux dans La rondine – et d’un excellent chœur du Teatro Regio.

La nouvelle production de Pierre-Emmanuel Rousseau rend explicitement hommage à la principale scène lyrique turinoise : l’action est transposée en 1973, année de l’inauguration du bâtiment actuel, et le II se déroule dans une fidèle réplique du foyer, où se croise une faune excentrique et transgressive (drag queens, danseurs de voguing…), comme dans les boîtes de nuit de l’époque (Le Palace, à Paris, ou The Blitz, à Londres).

L’acte I a pour cadre un vaste loft, dans des tons noir et or, où les invités de Magda consomment de grandes quantités d’alcool et de drogue, tout en faisant preuve de désinvolture, en matière sexuelle. Le III se passe dans le même décor, moyennant l’ajout de quelques palmiers et de deux transats, pour évoquer la Côte d’Azur.

La direction d’acteurs est soignée, mais sans surprise, le spectacle rendant compte, avec efficacité, de la vacuité et de la vanité du monde dans lequel est piégée l’héroïne.

PAOLO DI FELICE

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