Opéras Kathryn Lewek, mémorable Lakmé à Nice
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Kathryn Lewek, mémorable Lakmé à Nice

06/10/2023
Kathryn Lewek (Lakmé) et Majdouline Zerari (Mallika). © Dominique Jaussein

Opéra, 29 septembre

Un an après sa création, à l’Opéra-Comique (voir O. M. n° 187 p. 54 de novembre 2022), l’Opéra Nice Côte d’Azur, son coproducteur avec l’Opéra National du Rhin, affiche Lakmé, dans la mise en scène de Laurent Pelly, avec un autre chef et une distribution entièrement renouvelée.

Scrupuleusement repris par Luc Birraux, le spectacle, d’un élégant dépouillement («  Une Lakmé sans temples, sans fleurs, sans l’ombre d’une végétation luxuriante  », pour reprendre la description de Laurent Pelly), est décidément une réussite, surtout quand on le revoit deux jours après la très pénible Fille de Madame Angot de la Salle Favart.

Deux bémols, néanmoins. D’abord, la scène du marché, au début de l’acte II, aurait besoin de davantage de vie et de couleurs. Ensuite, costume, perruque et direction d’acteurs, taillés sur mesure pour Sabine Devieilhe, ne conviennent pas au physique et à la personnalité de Kathryn Lewek. D’un tempérament naturellement volcanique, la soprano américaine est conduite à en faire trop, quand elle repousse les avances de Gérald, à la fin du I. Lakmé n’est certes pas une poupée désincarnée ; elle n’est pas, pour autant, une furie.

Vocalement, la performance est impressionnante, avec des suraigus d’une précision et d’un rayonnement sidérants, des vocalises impeccables et un legato exemplaire dans les passages de douceur. La diction pourrait, sans doute, être plus nette, sans que cela retire rien à l’impact d’une incarnation mémorable.

Gérald réclame une émission naturellement plus haute que celle de Thomas Bettinger. Le ténor français n’en campe pas moins un héros parfaitement crédible, en s’appuyant sur un physique athlétique et de magnifiques capacités d’allègement, quand la tessiture lui pose problème. L’énergie est au rendez-vous, le charme et la poésie également, pour un résultat d’ensemble plus que convaincant.

Jean-Luc Ballestra tire très honnêtement son épingle du jeu en Nilakantha, réussisant à entrer dans la peau du fanatique sadique et meurtrier voulu par Laurent Pelly, à l’intention de Stéphane Degout. Dommage que l’ambitus du rôle le mette parfois en difficulté, tant dans l’extrême aigu (le fa dans la première strophe de « Lakmé, ton doux regard se voile ») que le grave.

L’entourage est de qualité : Mallika chaleureuse, délicieuses Ellen et Rose, Mistress Bentson drôle et bien chantante, Frédéric charmeur, Hadji idéalement humble et protecteur. Quant au Chœur de l’Opéra de Nice, en nets progrès sous la houlette de Giulio Magnanini, il apporte une contribution déterminante au succès de la soirée.

Jacques Lacombe dirige, avec compétence et doigté, un répertoire qu’il connaît bien, tirant de l’Orchestre Philharmonique de Nice de belles sonorités.

RICHARD MARTET

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