Opéras Gros succès pour Lucia à Paris
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Gros succès pour Lucia à Paris

10/03/2023
© Opéra National de Paris/Émilie Brouchon

Opéra Bastille, 4 mars

La Lucia di Lammermoor mise en scène par Andrei Serban, créée en 1995, occupe depuis près de trente ans le répertoire de l’Opéra National de Paris, faisant peser une lourde responsabilité sur les épaules de ses interprètes, chargés de se mesurer aux grandes figures qui les ont précédés.

Un défi significatif, qui n’a malheureusement pas été tout à fait relevé par Aziz Shokhakimov, en raison de nombreux décalages entre fosse et plateau. Les interventions du chœur sont tout aussi imprécises, malgré un son plein et homogène. Et si le jeune chef ouzbek tire de l’orchestre quelques très beaux moments (comme le solo de harpe, avant l’entrée de l’héroïne, ou la fin du duo entre Lucia et Edgardo, à l’acte I), les cuivres sont en petite forme. Cette lecture laisse ainsi un sentiment d’inachevé, malgré l’application et l’implication de son maître d’œuvre.

En dépit des acrobaties attendues de la part de la soprano, la scène de folie semble trop sage musicalement. Brenda Rae est pourtant une belle interprète de Lucia, au jeu sensible et au chant élégant, avec des aigus raffinés, même si la projection dans le médium semble un peu juste, pour une salle comme l’Opéra Bastille.

Le problème est que, par rapport à celles qui l’ont précédée dans une période récente (Patrizia Ciofi, Sonya Yoncheva, Pretty Yende), la soprano américaine ne rend pas suffisamment sensible le basculement de l’héroïne dans la folie, son incarnation restant assez académique. Dans le reste de l’œuvre, elle sonne plus juste et habitée, et l’on croit en son personnage.

Edgardo trouve en Javier Camarena un interprète idéal, lumineux, expressif, et l’on regrette, tout particulièrement, qu’ait été coupée la scène d’introduction du III, dite de « Wolf’s Crag ». Son absence crée un vide dramaturgique, d’autant plus dommageable que ténor et baryton avaient largement les moyens de lui rendre justice.

Mattia Olivieri est, en effet, un magnifique Enrico, à l’aigu sonore et sûr. Son jeu reste, sans doute, un peu trop démonstratif dans son air d’entrée, mais il gagne ensuite en naturel, notamment dans un beau duo avec Lucia, au II.

Le Raimondo d’Adam Palka joue de son autorité, en n’hésitant pas à déployer un chant tragique et grandiloquent, ce qui ne dessert ni le personnage, ni l’action. Quant à l’Arturo de Thomas Bettinger, il parvient à se faire une place dramatiquement, malgré la brièveté de ses interventions, y compris dans le célèbre sextuor.

Enfin, Alisa et Normanno sont particulièrement bien tenus : Julie Pasturaud ne manque pas d’atouts vocaux, ni de présence scénique, et Éric Huchet est impeccable en homme de main. Une soirée qui ravit, visiblement, un public pas du tout avare de ses applaudissements.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN


© Opéra National de Paris/Émilie Brouchon

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