Opéras Hamlet poursuit sa réhabilitation à Liège
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Hamlet poursuit sa réhabilitation à Liège

10/03/2023
© ORW-Liège/V. Bianchi

Théâtre Royal, 4 mars

L’Opéra Royal de Wallonie-Liège, qui n’avait encore jamais monté Hamlet, a coproduit le spectacle de l’Opéra-Comique, créé en décembre 2018 (voir O. M. n° 147 p. 57 de février 2019), également diffusé en DVD, chez Naxos (voir O. M. n° 156 p. 82 de décembre 2019). On ne reviendra pas sur la mise en scène de Cyril Teste, moderne, marquée par les nouvelles technologies audiovisuelles et très intelligemment pensée.

La distribution est, en revanche, entièrement différente. Le prince ténébreux est incarné par Lionel Lhote, qui a tout pour le rôle, à commencer par le sens du mot et de la déclamation. C’est le grand mérite d’Ambroise Thomas d’avoir, après des décennies d’italianismes, renoué avec la déclamation gluckiste : Hamlet, si l’on excepte la fameuse « Chanson bachique » à couplets, dont la forme conventionnelle est parfaitement en situation, est écrit, pour l’essentiel, comme une suite d’ariosos lyriques.

Lionel Lhote ne cherche jamais à se mettre en valeur et respecte la musique. Il campe un personnage étrange, en rupture avec son milieu, et sait varier son émission, tour à tour intimiste ou violente, pour traduire les divers états de ce héros agressif, ironique, douloureux et troublé.

On attendait beaucoup de Jodie Devos, qui avait triomphé en Ophélie, au Festival Radio France Occitanie Montpellier, l’été dernier, et on n’a pas été déçu. Son récent album Bijoux perdus (Alpha Classics) a montré à quel point elle maîtrisait la technique de la colorature « Second Empire », et savait mettre ses pas dans ceux de Marie Cabel, première Philine dans Mignon.

Mais Ophélie, rôle créé par Christine Nilsson, qui chantait aussi La traviata, ne se limite pas aux vocalises de l’impressionnante scène de folie. Elle doit affronter d’exigeants passages lyriques et, là encore, Jodie Devos est à son aise, imposant un personnage touchant, mais pas diaphane, avec une belle voix charnue.

C’est toujours un plaisir de retrouver Béatrice Uria-Monzon. Sa Gertrude est puissante, autoritaire, et cela se traduit dans sa voix, un peu sèche au début, mais en pleine forme, au troisième acte, dans le grand trio et l’affrontement avec Hamlet.

Ni Shakespeare, ni Thomas n’ont fait de Claudius un traître de mélodrame. Il faut à ce roi maudit de la classe et de la noblesse, Nicolas Testé l’a bien compris. Si l’on ajoute le très agréable Laërte de Pierre Derhet, et d’excellents seconds rôles, on tient là une équipe parfaitement à même de rendre justice à cet authentique chef-d’œuvre, dont on se demande bien pourquoi il a été quasiment oublié pendant si longtemps.

L’orchestration d’Hamlet réclame du chef un souci des équilibres et de l’élégance. Succédant à Louis Langrée, à l’Opéra-Comique, Guillaume Tourniaire, qui connaît fort bien ce répertoire, tire le meilleur des toujours impeccables Orchestre et Chœur de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.

JACQUES BONNAURE


© ORW-Liège/V. Bianchi

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