Opéras Candide bourré d’atouts à Lausanne
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Candide bourré d’atouts à Lausanne

05/12/2022
© Jean-Guy Python

Opéra, 13 novembre

Visuel, original, irrévérencieux, mais aussi plus sombre qu’on aurait pu s’y attendre, le Candide proposé par Vincent Boussard, à l’Opéra de Lausanne, a bien des atouts pour faire rire, autant que pour interroger.

Les chanteurs évoluent dans un décor unique aux murs blancs, où se trouvent, tour à tour, une table, une baignoire, un carton dans lequel les personnages disparaissent comme par magie, plusieurs lits, mais aussi une porte à l’avant-scène, qui permet de figurer le passage d’un lieu à un autre. Le chœur, quant à lui, surplombant le plateau, reste présent presque sans interruption.

Car l’action se déroule sous l’œil aiguisé de témoins, qui n’appartiennent pas seulement à un autre espace, mais aussi à un autre temps : les splendides costumes de Christian Lacroix rattachent, en effet, les choristes au XVIIIe, tandis que les héros portent des tenues plus contemporaines. Comme si le siècle de Voltaire observait le monde actuel et y voyait, finalement, ses propres problématiques se répéter.

Frappante visuellement, et ne manquant pas d’un certain esthétisme, la mise en scène de Vincent Boussard insiste sur l’actualité des œuvres de Voltaire et de Bernstein, à travers la voix du Narrateur. Élégant, caustique, l’acteur britannique Mike Winter brode longuement, en début de spectacle, autour du livret. Il parvient à créer la connivence nécessaire avec les spectateurs, bien que le comique du premier acte se délite au fil de la soirée, et que la mise en scène ne s’interdise ni humour noir, ni irrévérence, ni même certaines provocations.

Loin d’être une pure comédie, la lecture de Vincent Boussard montre des personnages dont les épreuves émoussent l’optimisme, non en les rendant plus sages, mais en les menant progressivement vers la folie. Ainsi, c’est dans un hôpital psychiatrique que se clôt l’œuvre, Candide et Cunegonde étant les seuls à parvenir à en sortir – le prix à payer étant de renier la philosophie de Pangloss.

Dans le rôle-titre, le ténor américain Miles Mykkanen fait entendre une voix sonore, bien projetée, et incarne parfaitement la candeur du héros, mêlant joyeuse naïveté, doute et chagrin. La Cunegonde de Marie Lys est, au contraire, toujours dans l’action, victime des événements. La soprano suisse fait preuve d’une belle solidité vocale, autant que d’une vraie agilité scénique – son « Glitter and Be Gay », où elle est littéralement suspendue, en est la preuve.

La Vieille Dame d’Anna Steiger parvient à s’imposer, de même que la Paquette burlesque de Béatrice Nani ; et si Pangloss n’a pas une place prépondérante dans cette production, Franco Pomponi lui donne un relief comique, tout comme à Martin. Joël Terrin et Stuart Patterson sont, quant à eux, un Maximilian et un Gouverneur impeccables, qui tirent leur épingle du jeu, de même que les petits rôles, très bien tenus.

Musicalement, la grande réussite de la soirée reste, cependant, le Chœur de l’Opéra de Lausanne : conférant une dimension résolument opératique à cette « comic operetta », le son est dense, rayonnant, et chaque choriste s’investit pleinement dans l’action. L’Orchestre de Chambre de Lausanne s’empare, lui aussi, de l’ouvrage, privilégiant l’efficacité théâtrale et l’homogénéité des pupitres.

La direction du chef américain Gavriel Heine aurait pu gagner à donner davantage de relief rythmique à la partition, jouée ici dans sa version révisée, créée par le Scottish Opera, à Glasgow, en 1988, deux ans avant la disparition du compositeur. Mais l’ensemble est enlevé, n’excluant pas des moments plus lyriques, notamment dans les dernières pages de l’œuvre.


© Jean-Guy Python

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