Opéras Verdi chez Berlioz à La Côte-Saint-André
Opéras

Verdi chez Berlioz à La Côte-Saint-André

07/09/2022
© Bruno Moussier

Cour du Château Louis XI, 26 août

La guerre en Ukraine ayant rendu Valery Gergiev indésirable dans un grand nombre de pays, Bruno Messina, directeur général et artistique du Festival de La Côte-Saint-André, s’est vu dans l’obligation de bouleverser la programmation initialement prévue.

Celle-ci devait s’appuyer sur les voyages de Berlioz en Russie et l’influence du compositeur français sur la musique de ce pays, du Groupe des Cinq aux Ballets russes, et il était évidemment prévu que Valery Gergiev, familier du Festival depuis quelques années, en soit l’un des héros. C’est ainsi, entre autres modifications, qu’ont été greffés deux titres ayant, a priori, peu à voir avec Berlioz : Rigoletto et Die Zauberflöte.

Berlioz avouait, en 1855, ne pas connaître les opéras de Verdi, mais Rigoletto fut représenté au Théâtre-Lyrique, en 1863, c’est-à-dire la même année que la création tronquée des Troyens dans le même théâtre. Si Berlioz n’en dit mot, il citait toutefois, dans un article du Journal des débats, paru en 1858, le quatuor du dernier acte donné au Théâtre-Lyrique, déjà, avec la participation de Gilbert Duprez.

Verdi fit, par ailleurs, de nombreux séjours à Paris, ce qui permit à Berlioz, outre quelques articles, d’entretenir des rapports cordiaux avec le compositeur italien, qu’il décrit comme « un digne et honorable artiste », Verdi écrivant, pour sa part, à l’un de ses correspondants : « Saluez bien Berlioz, que j’estime comme compositeur et que j’aime comme homme. » Il existe, par ailleurs, une lettre de Berlioz, hélas non datée, dans laquelle ce dernier invite Verdi à dîner chez lui.

« Verdi s’est penché avec passion sur le Traité d’instrumentation de Berlioz », explique Jérémie Rhorer, invité par Bruno Messina à diriger Rigoletto. Un Rigoletto sur instruments d’époque, par le Jeune Orchestre Européen Hector Berlioz-Isère, encadré ici par des musiciens de l’ensemble Le Cercle de l’Harmonie.

Le Rigoletto de Jérémie Rhorer convainc davantage que la Symphonie fantastique et Lélio, dirigés l’an dernier. Son Verdi sonne nerveux, lyrique, tendu, avec des couleurs d’une stupéfiante beauté, en particulier le violoncelle sans vibrato, dans la première scène entre Rigoletto et Sparafucile, ou les sons harmoniques des cordes, au moment de la mort de Gilda.

Le chœur (Musikfest Bremen Chor), en revanche, sans grand relief, aurait pu aborder avec un tout autre esprit, par exemple, le récit de l’enlèvement de Gilda. Du coup, vocalement, ce sont les solistes qui soulèvent l’enthousiasme, d’autant que chacun interprète son rôle par cœur, si bien que, même sans décors, ni costumes, le concert annoncé, grâce à quelques déplacements habilement agencés, se transforme en mise en espace.

On saluera d’abord Olga Peretyatko, magnifique de bout en bout, plus chanteuse que comédienne cependant, et pourvue aujourd’hui d’une voix peut-être trop opulente pour Gilda. Son « Caro nome » devient un somptueux air de concert, et c’est surtout à la fin, au moment où elle meurt dans des pianissimi chuchotés, qu’elle atteint à la douceur ineffable attendue.

Dalibor Jenis ne bouscule pas le rôle-titre de fond en comble, jouant davantage au père noble et blessé qu’au bouffon. Son timbre, sombre et miroitant, fait contraste avec ceux de Nicolas Legoux, Monterone un peu étouffé, et d’Alexander Tsymbalyuk, Sparafucile d’une constante noirceur.

On goûte la finesse avec laquelle Liparit Avetisyan aborde « Questa o quella », dès l’entrée du Duc de Mantoue. Mais, au fil de la soirée, le ténor arménien tend à fanfaronner, ce qui garantit, bien sûr, un insolent « La donna è mobile ».

Si les rôles masculins sont tous bien distribués, Adriana Di Paola offre une Maddalena un peu pâle et univoque, mais il est vrai qu’elle est venue remplacer, au dernier moment, Victoria Karkacheva.

Le quatuor du dernier acte reste cependant un grand moment, qui, sans doute, aurait séduit le fantôme de Berlioz planant dans l’atmosphère.

CHRISTIAN WASSELIN


© Bruno Moussier

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