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Ermione pas complètement convaincante à Bad Wildbad

24/08/2022

Trinkhalle, 23 juillet

Peut-être attendait-on un peu trop de cette nouvelle production de la rare Ermione (Naples, 1819). La mise en scène de Jochen Schönleber transpose l’action dans un XXe siècle assez vague, qui pourrait bien être celui des années 1930, et de la montée des totalitarismes, à en croire les manteaux et les casquettes de cuir de Pilade et d’Oreste, et les bibis des dames du chœur.

Son dispositif quasiment abstrait joue d’un simple praticable, encadré de trois grands cubes sur lesquels, pendant l’Ouverture, sont projetées les images d’une guerre contemporaine et de ses victimes fantomatiques, un équivalent moderne des ravages de Troie, dont une voix « off » nous fait le récit. Sans doute ces cubes représentent-ils aussi, de façon symbolique, le climat d’oppression qui domine l’opéra, ainsi que les dés d’un jeu de hasard, un équivalent sans doute du fatum. Dans ce décor à l’efficacité indéniable, la direction d’acteurs reste, malheureusement, assez sommaire.

Serena Farnocchia possède les moyens d’Ermione. Grave et médium solides, aigu vaillamment projeté, la soprano italienne maîtrise les écarts d’une tessiture très tendue et gagne en conviction au fil des scènes, jusqu’à un finale dont elle affronte, avec bravoure, tous les écueils. Mais, avec un timbre assez ordinaire et guère aidée par son costume, elle paraît trop âgée pour le rôle et convainc beaucoup moins qu’en Elisabetta (Elisabetta, regina d’Inghilterra), en 2021.

Le matériau vocal de Moisés Marin en fait un authentique baritenore, mais l’interprète, si prometteur dans Armida, trois jours plus tôt, semble assez peu concerné par Pirro, auquel il ne donne pas toute la dimension voulue, faute de liberté scénique et de recherche expressive. Grave caverneux et tendance à trop couvrir le son, l’Andromaca d’Aurora Faggioli ne passe pas la rampe dans son air d’entrée et laisse une impression de placidité.

Patrick Kabongo, en revanche, convainc pleinement dès son entrée. Non seulement il se joue des écarts et des suraigus d’un rôle meurtrier, mais son Oreste torturé, au bord du délire, nous fait découvrir un nouvel aspect de sa personnalité vocale et scénique. Il est, de surcroît, remarquablement soutenu par le Pilade bien chantant de Chuan Wang.

Les comprimari sont nombreux dans cette pièce aux origines raciniennes, où ils incarnent les confidents des protagonistes. Ils sont distribués aux jeunes chanteurs de l’Akademie BelCanto du Festival, parmi lesquels on distinguera la Cleone de la soprano ukrainienne Mariana Poltorak.

Le Chœur et l’Orchestre Philharmonique de Cracovie, sous la direction précise et engagée d’Antonino Fogliani, offrent un soutien sans faille à cette équipe et révèlent toute la puissance dramatique d’une œuvre décidément atypique dans la production de Rossini.

ALFRED CARON


© Patrick Pfeiffer

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