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Macbeth dans la Première Guerre mondiale à Nice

05/06/2022

Opéra, 26 mai

C’est un Macbeth résolument féminin, pour ne pas dire féministe, que Daniel Benoin propose à l’Opéra Nice Côte d’Azur, dans une nouvelle production qui séduit par bien des aspects, sans totalement convaincre.

Le metteur en scène français place, avec raison, les Sorcières au cœur de l’action, rappelant que leurs prophéties servent d’éléments déclencheurs au drame, en conduisant le couple Macbeth au crime et à la folie. Mais qu’on ne s’y trompe pas : les « sorcières » de Daniel Benoin n’ont rien de maléfique ou de fantastique, ce sont des figures féminines puissantes, émancipées de la tutelle masculine. D’où la transposition de l’intrigue à la fin de la Première Guerre mondiale, conflit durant lequel les femmes durent par nécessité remplacer les hommes partis au front.

Devenues ouvrières dans une usine métallurgique, ces « sorcières » s’inscrivent dans un contexte historique évoqué, dès le Prélude, par les nombreuses projections de Paulo Correia, où l’on voit Macbeth, Banco et leurs soldats au milieu des tranchées. Le parti pris est intéressant, mais prive l’œuvre de sa dimension fantastique, ce que l’on regrette. Si fantastique il y a, c’est uniquement dans les cauchemars du personnage principal, également montrés en vidéo. Sauf que le dispositif peine à convaincre, la mise en images s’avérant trop littérale, et pas assez effrayante.

Les qualités de la mise en scène sont ailleurs. L’aspect « drame bourgeois » donné à l’opéra fonctionne très bien au domicile des Macbeth, avec l’excellente idée de garder le lit sur le plateau et d’essuyer le sang sur les draps. Les tableaux d’ensemble sont parfaitement menés, et visuellement esthétiques, notamment aux actes III et IV, situés dans la cour de l’usine – la belle prestation du Chœur de l’Opéra Nice Côte d’Azur y contribue pour beaucoup.

Daniel Benoin avait-il, dès lors, besoin de recourir à la vidéo ? Les jeux de lumière et les chanteurs auraient parfaitement pu porter le drame à eux seuls. Dalibor Jenis est ainsi un Macbeth solide, qui déploie toutes ses qualités à partir du III, oscillant entre la peur et l’ambition dévorante.

Silvia Dalla Benetta possède une voix puissante, impressionnante dans l’aigu, et étonnamment lumineuse par moments. Mais son air d’entrée et la scène de somnambulisme ne fonctionnent pas dramatiquement, à cause, sans doute, d’une direction d’acteurs qui passe à côté de la monstruosité du personnage de Lady Macbeth.

Giacomo Prestia incarne un Banco noble et profond, et si le Macduff de Samuele Simoncini aurait pu donner davantage de relief musical à son « Ah ! la paterna mano », ses scènes avec le Malcolm de David Astorga fonctionnent remarquablement. Enfin, Marta Mari et Geoffroy Buffière interprètent leurs rôles, aussi brefs soient-ils, avec conviction et caractère.

Daniele Callegari offre une lecture de la partition dans le plus pur style verdien, avec beaucoup de raffinement. Sans céder à un dramatisme exacerbé, le chef italien souligne les effets théâtraux voulus par le compositeur, ne laissant l’Orchestre Philharmonique de Nice déployer toute sa puissance que dans les moments où la tension est la plus forte. Claire, lisible, sa direction prouve une connaissance profonde de l’œuvre, qui sert les chanteurs comme la mise en scène.

CLAIRE-MARIE CAUSSIN


© DOMINIQUE JAUSSEIN

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