Comptes rendus Élixir de répertoire à Paris
Comptes rendus

Élixir de répertoire à Paris

06/10/2021

Opéra Bastille, 28 septembre

On ne compte plus les reprises qui ont fait de cette production de L’elisir d’amore, depuis sa création, en mai 2006, un véritable pilier du répertoire, au sein d’un Opéra National de Paris qui en compte bien peu (voir, en dernier lieu, O. M. n° 145 p. 58 de décembre 2018).

La simplicité et l’évidence de la mise en scène pittoresque de Laurent Pelly, transposant l’action dans une Italie rurale de comédie des années 1950, son caractère bon enfant, son rideau de scène façon cinéma de quartier, sa pyramide de ballots de paille, où folâtrent les personnages, et ses gags un peu appuyés marchent à tout coup.

Autre avantage, chaque nouvelle distribution peut aisément s’y couler et trouver à faire valoir ses qualités propres. La dernière en date, constituée de deux Américains pour le couple vedette, et de deux Italiens pour les rôles bouffes, n’en est pas dépourvue, mais elle manque d’homogénéité, chacun jouant musicalement sur son propre terrain.

Sydney Mancasola possède une technique très sûre, un aigu facile, un médium solide et un professionnalisme certain. Elle compose une Adina convaincante, mais trop peu variée au plan expressif. Malgré son timbre corsé et sa personnalité volontaire, elle ne devrait pas laisser beaucoup de traces dans la longue histoire de cette production, qui a vu passer des interprètes plus affûtées, comme Anna Netrebko (2009), Aleksandra Kurzak (2015) ou Lisette Oropesa (2018).

À 53 ans, Matthew Polenzani ne peut plus prétendre à incarner les jeunes premiers. Il lui faut donc charger son rôle du côté du benêt amoureux un tantinet ridicule, ce qu’il fait avec talent et inventivité, mais qui rend peu convaincant le revirement final d’Adina. Son Nemorino souffre d’une voix assez blanche et d’un aigu certes puissant, mais plus acide qu’autrefois.

Le Belcore de Simone Del Savio, lui aussi, a beaucoup d’expérience. Son baryton large et son émission couverte ne peuvent restituer toute la faconde et la suffisance du fringant militaire, qu’il transforme en macho pesant. Son entrée manque vocalement de fantaisie, mais sa maîtrise du chant syllabique montre un interprète de bonne école.

Si Carlo Lepore ne possède pas l’ampleur et la vis comica des grandes basses bouffes, son style et sa diction impeccables compensent largement. À défaut de bonhomie, il donne à Dulcamara une présence active qui renouvelle agréablement le personnage du charlatan.

Des chœurs excellents, malgré le masque, une Giannetta – la jeune soprano italienne Lucrezia Drei – qui connaît son rôle sur le bout des doigts, complètent un plateau qui, sous la direction efficace de Giampaolo Bisanti, offre une soirée de répertoire sans bonne, ni mauvaise surprise.

ALFRED CARON

PHOTO © OPÉRA NATIONAL DE PARIS/ÉMILIE BROUCHON

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