Comptes rendus Walkyrie riche de promesses à Bayreuth
Comptes rendus

Walkyrie riche de promesses à Bayreuth

28/08/2021

Festspielhaus, 3 août

Pour cette réouverture du Festival après une saison de silence, place à Die Walküre, spectacle conçu comme le ballon d’essai d’un nouveau Ring, en 2022, a priori mis en scène par Valentin Schwarz. L’orchestre restera confié à Pietari Inkinen, 41 ans, de nationalité finlandaise.

Les chevauchées de cordes du Prélude mettent en appétit. Les plans sonores s’accumulent en nuées menaçantes, les tempi sont aériens et souples. Si l’on a pu évoquer Ravel, à propos du Ring selon Philippe Jordan, c’est à la Symphonie n° 2 de Sibelius que l’on songe, avec Pietari Inkinen. Seule réserve, les débordements lyriques sont trop bridés, notamment lors des « Adieux de Wotan ».

Sur le plan scénique, cette Walküre post-pandémie se veut d’abord picturale. Chacun des interprètes en tunique noire reste assis à l’avant-scène. Pas de vidéo, comme dans Tristan und Isolde par Peter Sellars et Bill Viola, mais une « action painting » confiée à l’artiste autrichien Hermann Nitsch, dont l’œuvre pourrait être un mariage entre les couleurs d’Olivier Debré et les noirs de Soulages. Sur un immense espace blanc, neuf intervenants écoulent et étalent des couleurs brutes. Vert, bleu et jaune pour l’acte I, voué au printemps ; orangé, brun, bleu jaune et noir pour le II ; sang et giclées de flammes pour le III.

Toujours controversé à 83 ans, Hermann Nitsch sera cueilli à froid par un public réduit à une jauge de neuf cents spectateurs. C’est moins l’iconographie bizarre (pourquoi un Christ et un ostensoir, au dernier acte ?) que la répétition du procédé pictural qui irrite. Certes, le nuancier peut être fulgurant, comme l’inondation de noirs durant le monologue schopenhauerien du maître des dieux, mais il ne saurait suffire à illustrer plus de quatre heures de musique.

Tenus en lisière du barbouillage, les chanteurs sont d’abord occupés à gagner leur ticket d’entrée pour 2022, notamment Tomasz Konieczny, remplaçant Günther Groissböck, initialement annoncé, qui a jeté l’éponge. Son Wotan possède une diction parfaite et une belle palette de sentiments, mais son chant trahit quelques approximations, sans doute causées par l’importance de l’enjeu.

Klaus Florian Vogt continue de stupéfier. Alors qu’il incarne parallèlement le Walther élégiaque de Die Meistersinger von Nürnberg, mis en scène par Barrie Kosky (2017), il se transforme en un héroïque Siegmund, dont la matité du timbre souligne les failles psychologiques. Dmitry Belosselskiy est un impeccable Hunding, et la puissance de Christa Mayer offre une Fricka d’airain.

Sans direction d’acteurs, les deux principaux personnages féminins font dans la surenchère vocale. Lise Davidsen écrase littéralement le plateau, mais avec une virilité qui appartiendrait davantage à Brünnhilde qu’à Sieglinde. Si l’on admire son insolente facilité, si son timbre évoque plus d’une fois Inge Borkh, il lui manque cette subtilité que Tobias Kratzer obtient d’elle, parallèlement, en Elisabeth de Tannhäuser (2019).

Quant à Iréne Theorin, dès ses premiers « Hojotoho ! », elle augure une Brünnhilde impériale et dotée de cette humanité qu’omet sa consœur. Vivement une vraie mise en scène, pour rétablir la balance entre les personnages et, surtout, les travailler en profondeur !

VINCENT BOREL

PHOTO © ENRICO NAWRATH

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