Salle Gaveau, 21 juin
Absent des scènes parisiennes depuis février 2018 (Giorgio Germont dans La traviata, à l’Opéra Bastille), Placido Domingo a effectué un retour triomphal, le soir de la Fête de la Musique, à la Salle Gaveau. Accompagné de la soprano uruguayenne Maria José Siri, remplaçant Saioa Hernandez, initialement annoncée, le ténor espagnol, reconverti en baryton, a offert un programme d’airs et de duos essentiellement italiens.
Très longuement acclamé à son entrée par un public venu en nombre, Placido Domingo a sorti une nouvelle fois ses griffes, celles qu’il déploie sur les scènes lyriques du monde entier depuis plus de soixante ans. Même si la démarche paraît plus hésitante qu’autrefois et le dos un peu voûté, l’artiste se redresse dès la première note émise, souverain.
Il lui faut un temps de chauffe pour son premier air, « Nemico della patria », extrait d’Andrea Chénier, mais ensuite, le timbre révèle toute sa richesse, la voix toute sa largeur, pour imposer le personnage de Gérard et l’animer de son intelligence. Le soutien du souffle demeure excellent pour un homme de 80 ans, même si la phrase musicale, à plusieurs reprises durant la soirée, s’interrompt un peu brusquement.
Dans La traviata, Placido Domingo incarne un père à la fois inflexible et autoritaire, tout en laissant entrevoir une réelle humanité, face à cette jeune femme qui pourrait être sa fille. Les affres de la souffrance et de la jalousie se retrouvent dans l’ardent duo Luna/Leonora, extrait d’Il trovatore. Moins convaincant, mais sans doute choisi pour offrir au public français un air dans sa langue, « Ô vin, dissipe la tristesse » (Hamlet d’Ambroise Thomas) laisse entrevoir les limites de l’exercice : le legato manque de tension et de consistance.
Maria José Siri, pour sa part, déploie une voix particulièrement volumineuse, à l’aigu insolent, voire souvent incisif. Face à un tel assaut de décibels, on demeure sur la réserve : le raffinement de la ligne et le sens de l’exaltation du sentiment lui échappent, au profit de l’efficacité immédiate. Cependant, si son « La mamma morta » d’Andrea Chénier laisse de marbre, car trop extérieur d’intention, la soprano se montre très convaincante dans la scène d’entrée de Leonora (« Tacea la notte placida »), avec une cabalette bien maîtrisée (« Di tale amor »).
Trois bis survoltés, tirés de « zarzuelas » – dont le fameux « No puede ser » de La tabernera del puerto, cheval de bataille du légendaire ténor – finissent d’incendier le public. Pour conclure plus en douceur et en volupté, Placido Domingo et Maria José Siri esquissent une valse pendant leur duo « Lippen schweigen », extrait de Die lustige Witwe.
Le chef d’orchestre et altiste français Mathieu Herzog, à la tête de son talentueux ensemble Appassionato, se met, avec ferveur, au service des voix. Il convainc moins dans son interprétation un rien clinquante de quelques célèbres Ouvertures (Les Vêpres siciliennes, Luisa Miller…), l’intimité de la chaleureuse Salle Gaveau se trouvant bousculée.
JOSÉ PONS
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