Comptes rendus Le Rameau triomphant de Mathias Vidal
Comptes rendus

Le Rameau triomphant de Mathias Vidal

25/06/2021

1 CD Château de Versailles Spectacles CVS 039

Le moins qu’on puisse dire de Mathias Vidal, c’est qu’il cultive l’éclectisme. Alors qu’il incarnait récemment Ange Pitou, dans la nouvelle Fille de Madame Angot voulue par le Palazzetto Bru Zane (à paraître), cet album, enregistré en studio, en novembre 2020, à l’Opéra Royal de Versailles, est entièrement consacré à Rameau. Un compositeur dont on peut affirmer qu’il est un pilier du répertoire du ténor français : Les Indes -galantes, Les Boréades, Le Temple de la Gloire et Hippolyte et Aricie, entre autres, figurent déjà, en intégralité, dans sa discographie.

En solo, Mathias Vidal avait déjà enregistré deux cantates de Rameau, avec l’Ensemble Amarillis, pour Naïve (voir O. M. n° 100 p. 73 de novembre 2014). Ce nouveau programme contient uniquement de l’opéra, sous un titre explicite : Rameau triomphant. Les airs choisis ont été écrits pour mettre en valeur la virtuosité et la vaillance de l’interprète, ainsi que le registre de haute-contre – plusieurs d’entre eux (Platée, Valère et Don Carlos dans la première version des Indes galantes, Damon dans la seconde…) ont été créés par Jélyotte, interprète favori du compositeur.

La tessiture de haute-contre, celle d’un ténor aigu, est ingrate. N’oublions pas, toutefois, que le diapason n’était pas aussi élevé à l’époque qu’il l’est aujourd’hui. Quelle est la hauteur de celui employé par l’Ensemble Marguerite Louise dans ce disque ? Sauf erreur, le livret d’accompagnement n’en dit rien. En tout état de cause, cette tessiture, compte tenu de l’importance des personnages, s’avère légèrement plus grave ou plus élevée, et ses possibilités expressives sont exploitées autant dans l’héroïsme que dans la verve comique ou la tendresse, la variété étant l’une des caractéristiques du génie de Rameau.

On sait à quel point Mathias Vidal possède l’art du bien-dire. Faire vivre les mots est, chez lui, une seconde nature, la fluidité et la clarté de son élocution allant de pair avec la justesse des sentiments exprimés. En témoigne, dès le début de ce florilège, le récitatif de Dardanus (« Où suis-je ! »), suivi de l’air « Hâtons-nous, -courons à la gloire », qui exige une parfaite maîtrise de la vélocité. De même, dans Les Paladins, dans Platée, l’aisance n’est jamais prise en défaut.

Si problèmes il y a, ils viendraient plutôt de l’évolution naturelle de la voix, qui s’est élargie avec le temps. L’aigu semble se libérer moins facilement et donne l’impression d’être parfois sous pression (« Éclatez, fières trompettes ! » dans Castor et Pollux, « Accourez, jeunesse brillante » dans Zoroastre), tandis que le timbre, sans perdre de son brillant, s’est enrichi de couleurs plus sombres.

Les choristes et les instrumentistes du jeune Ensemble Marguerite Louise, fondé et dirigé par Gaétan Jarry, accompagnent le ténor avec enthousiasme et proposent plusieurs pages instrumentales. Mais leur dynamisme ne suffit pas : des sonorités souvent acides et les écarts de justesse des instruments « naturels » (trompette et cor) ne sont guère flatteurs.

L’orchestre peut donc mieux faire. Quant à Mathias Vidal, il sert encore Rameau avec un style, un goût et une conviction que beaucoup pourraient lui envier. Cela dit, il sera intéressant de voir vers quel répertoire il se tournera dans les années qui viennent.

MICHEL PAROUTY

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