Le 10 décembre dernier, le formidable baryton-basse italien, né en 1919 et disparu en 2003, aurait fêté ses 100 ans. Impossible de passer cet anniversaire sous silence, Sesto Bruscantini ayant marqué d’une empreinte indélébile des rôles tels que Dandini dans La Cenerentola, Dulcamara dans L’elisir d’amore, Don Pasquale, ou encore Don Alfonso, immortalisé dans la version de référence de Cosi fan tutte, aux côtés d’Elisabeth Schwarzkopf, sous la baguette d’Herbert von Karajan.
Bruscantini-Rossini-Dandini : la rime est assez riche pour inspirer aux auteurs de notules ce raccourci destiné à pointer, au cœur de la myriade de rôles d’un baryton-basse hors norme, l’une de ses incarnations les plus accomplies. Cet emploi, pour lui emblématique depuis sa prise de rôle à Glyndebourne, en 1952, s’inscrivait de manière significative au confluent de l’héritage mozartien et de celui de Cimarosa, que l’artiste privilégiait en ces années.
Dès ses débuts en Geronimo d’Il matrimonio segreto à la Scala, trois ans plus tôt, il avait, de fait, transcendé le cabotinage du vieux bourgeois par une truculence essentiellement vocale, fruit d’une technique imparable, et ce malgré un timbre qui ne serait jamais des plus solaires. Exit la charge comique du basso parlante : notre philologue de la vocalité, encouragé par Beniamino Gigli à rehausser le focus de sa tessiture, maîtrisait un sfumato qui, en 1951, avait déjà ébloui Glyndebourne à l’occasion de son Don Alfonso de Cosi fan tutte. Le manipulateur subtil voulu par le compositeur et son librettiste y paraissait aussi humain que roué, dans un emploi qui semblait avoir été écrit pour lui. La Fiordiligi de Sena Jurinac, qu’il allait épouser en 1953, contribuait à peaufiner cette interprétation qu’Herbert von Karajan, bientôt, immortaliserait au disque avec un autre plateau. Tout à trac on le voyait, pour l’heure, se mesurer au fiancé Guglielmo.