Le 10 avril dernier, le ténor péruvien, inoubliable Almaviva, Don Ottavio et Fenton, a soufflé ses 90 bougies. Opéra Magazine l’a rencontré à Milan, où il vit depuis de nombreuses années, sans perdre pour autant le contact avec son pays natal.
Comment tout a-t-il commencé ?
Alors que j’étudiais à l’Académie navale, au Pérou, Rosa Mercedes de Morales (1881-1969) m’a entendu chanter. Elle est devenue mon professeur, puis m’a conseillé de partir pour l’Italie, où se trouvaient les meilleurs enseignants pour mon type de voix. En 1953, je suis donc arrivé à Milan et, au bout d’une année seulement, j’ai eu la chance de participer à une production de La traviata, au Teatro Nuovo. Le chef, Giulio Confalonieri, impressionné par mon interprétation, m’a aussitôt invité à rejoindre l’école de la Scala, dont il était le directeur.
Quand votre carrière a-t-elle pris son envol ?
En décembre 1955, avec Il matrimonio segreto de Cimarosa, mis en scène par Giorgio Strehler, pour l’inauguration de la Piccola Scala. La production a fait ensuite le tour du monde ! Deux mois plus tard, j’étais sur le plateau de la « grande » Scala, en Almaviva dans Il barbiere di Siviglia, sous la baguette de Carlo Maria Giulini et aux côtés de Maria Callas, Tito Gobbi, Nicola Rossi-Lemeni… J’étais évidemment impressionné, moi le petit inconnu, de me trouver en aussi prestigieuse compagnie, mais Maria m’a beaucoup aidé à m’intégrer, à prendre confiance en moi. Elle était, pour nous tous, un extraordinaire exemple de professionnalisme. Et c’est elle qui m’a montré l’importance du travail assidu et continu dans la conduite d’une carrière – une démonstration que j’ai toujours gardée en mémoire.
Quels sont vos autres souvenirs les plus marquants ?
Très certainement, mes débuts au Metropolitan Opera de New York, en 1964. J’incarnais Fenton dans Falstaff, avec rien moins que Leonard Bernstein au pupitre et Franco Zeffirelli à la mise en scène ; nous étions tous très tristes, car la fermeture du « vieux » Met approchait… Sa destruction était, d’ores et déjà, décidée alors que, me semble-t-il, il aurait été possible de le restaurer. Ce théâtre avait un tel passé – et un tel charme ! Je me souviens que les loges étaient au deuxième étage et qu’il fallait emprunter un escalier plutôt raide pour y accéder. Cela n’a pas empêché le grand Tito Schipa, alors âgé de 75 ans, de les gravir pour venir me féliciter ! Comment oublier, ensuite, mes premiers pas au Covent Garden de Londres, toujours en Almaviva, et toujours avec Giulini au pupitre ? Mon entrée au Staatsoper de Vienne, en Belmonte dans Die Entführung aus dem Serail ? L’inauguration de la nouvelle Philharmonie de Berlin, dans la Symphonie n° 9 de Beethoven, avec Herbert von Karajan ? Je garde également un souvenir ému de toutes les tournées de la Scala : Johannesburg, Édimbourg, Moscou…