Œuvre importante de la période américaine de Kurt Weill, et véritable tentative de synthèse entre l’opéra traditionnel et la comédie musicale, Street Scene (New York, Adelphi Theatre, 1947) reste peu connu dans l’Hexagone. L’Opéra de Toulon en avait assuré la création française, en mars 2010 (voir O. M. n° 51 p. 66 de mai), et le Théâtre du Châtelet l’avait programmé, trois ans plus tard, dans une production venue de Grande-Bretagne (voir O. M. n° 63 p. 82 de mars 2013).
L’ouvrage n’a, pour autant, jamais bénéficié du même traitement de faveur que les œuvres de Weill, antérieures à la Seconde Guerre mondiale, probablement parce qu’il est d’un style très différent. C’était sans compter sur l’Académie de l’Opéra National de Paris, qui, après en avoir proposé, dès décembre 2010 – alors qu’elle portait encore le nom d’Atelier Lyrique –, une version concentrée, Songs from Street Scene, accompagnée au piano, le présente, du 19 au 27 avril, à la MC93 de Bobigny, cette fois avec orchestre, sous le titre Street Scenes.
Avec la cheffe britannique Yshani Perinpanayagam, comme dans le spectacle The Faggots and Their Friends Between Revolutions, donné, l’été dernier, au Festival d’Aix-en-Provence, le metteur en scène américain Ted Huffman en a la charge.
Pour cette production, qui nécessite une distribution importante, l’Académie de l’Opéra National de Paris a recruté des chanteurs supplémentaires, ainsi que des danseurs et un comédien. Toute cette équipe évoluera sur une aire de jeu située autour de la fosse, de manière à être plus près du public et à se libérer des contraintes du dispositif traditionnel.
Pour une institution dont la vocation est de former des jeunes chanteurs, la partition de Weill a l’avantage de faire appel à toutes les tessitures. Et de les obliger à apprendre à jouer la comédie – puisque de nombreux passages sont parlés –, mais aussi à danser.
Qu’un tel ouvrage soit présenté à Bobigny, enfin, n’est pas anodin, puisque le livret, avec ses personnages de différentes origines ethniques, traite de thèmes très contemporains, qui entrent, tout naturellement, en résonance avec le quotidien d’une banlieue métissée.
PATRICK SCEMAMA