Intermezzo Maquillages d’opéra
Intermezzo

Maquillages d’opéra

03/10/2024
Maria Callas se maquillant avant une représentation de Medea à Dallas, en 1959. © Everett Collection/Bridgeman Images

À l’opéra, le maquillage n’est pas simple coquetterie. Il embellit ou défigure, il permet de prendre de l’âge ou de perdre quelques années, de voyager dans l’espace ou le temps ; bref, il accompagne l’interprète vers son personnage. Zoom sur quelques pointures, surprises alors qu’elles opèrent leur vertigineuse transformation…


© Mario Dondero/All rights reserved 2024/Bridgeman Images

Et Callas devient Médée… Peu importe qu’elle soit de dos, sa silhouette se reconnaît entre mille ! Face au miroir, Maria Callas (1923-1977) s’apprête à devenir la Medea de Cherubini, au Teatro dell’Opera de Rome, en janvier 1955, dans une production de Margherita Wallmann. En spectateur privilégié, Luchino Visconti (1906-1976) la regarde peaufiner le regard implacable de cette magicienne bafouée et trahie, devenue, par dépit amoureux, une furie infanticide. Le cinéaste italien a découvert la soprano gréco-américaine, deux ans auparavant, à la Scala de Milan, à la faveur d’une représentation d’Il trovatore. À l’époque de cette photo, leur fructueuse collaboration a déjà débuté. En 1954, Visconti a mis en scène Maria dans La Vestale. Suivront, jusqu’en 1957, La sonnambula, La traviata, Anna Bolena et Iphigénie en Tauride, dans sa version italienne.


© Mondadori Portfolio/Giorgio Lotti/Bridgeman Images

Placido Domingo, d’un Otello à l’autre. Figure tout en ambiguïtés, dont la complexité exige de déployer un large éventail d’émotions, le « Maure de Venise » compte parmi les plus grands rôles du ténor espagnol, qui l’aborde, en 1975, au Staatsoper de Hambourg. L’année suivante, le chanteur de 35 ans l’incarne à nouveau, dans un spectacle signé Franco Zeffirelli, en ouverture de saison de la Scala de Milan, où le voici dans sa loge, observant sa métamorphose d’un regard sourcilleux.


© Mondadori Portfolio/Giorgio Lotti/Bridgeman Images

Ce second cliché a été pris à Tokyo, en septembre 1981, alors que l’artiste doit fouler la scène du NHK Hall, où le temple milanais de l’art lyrique reprend, en tournée, la production du cinéaste italien. Dans l’œil du photographe Giorgio Lotti, une parenthèse de lâcher-prise, où l’artiste, arrivé avec sa modernité, s’apprête à changer d’enveloppe… à une époque où la question du « blackface » ne s’était pas encore invitée sous les feux de la rampe.


© Mondadori Portfolio/Bridgeman Images

Franco Zeffirelli sur tous les fronts. Milan, avril 1963. Alors qu’il signe la mise en scène d’Aida, à la Scala, le cinéaste italien (1923-2019) veille sur le maquillage de sa compatriote Fiorenza Cossotto (née en 1935), avant la répétition du plus dépaysant opéra de Verdi. D’un coup de crayon, la mezzo-soprano se rapproche un peu plus d’Amneris, la princesse ­égyptienne, et des rives du Nil. Les sublimes décors peints de Lila De Nobili finiront de transporter le public au cœur de ce drame pharaonique et de ses tourments amoureux.


© Photopress Archiv/Keystone/Bridgeman Images

Grace Bumbry, icône sans fard. Sa mort, le 7 mai 2023, a laissé l’opéra orphelin d’une pionnière. L’Américaine n’a que 24 ans, lorsqu’un objectif immortalise sa beauté dans les coulisses du Stadttheater de Bâle, où elle incarne Dalila (Samson et Dalila), en 1961. L’année est décisive pour la mezzo-soprano, qui frappe un grand coup, en devenant la première cantatrice noire à chanter au Festival de Bayreuth où, sous les traits de Venus (Tannhäuser), elle oppose son talent à des préjugés ­racistes aussi tenaces que du mauvais fond de teint !


© Mondadori Portfolio/Archivio Giorgio Lotti/Giorgio Lotti/Bridgeman Images

Luciano Pavarotti à l’affût du détail. Pour se friser les moustaches sur scène, mieux vaut ne rien laisser au hasard… Le ténor italien (1935-2007), immortalisé dans une loge de la Scala de Milan, apporte quelques retouches à ses bacchantes. Conçu pour attirer l’attention du public sur la caractérisation du personnage, le maquillage de scène doit, aussi, relever la gageure de résister à la transpiration et à des spectacles de plusieurs heures. À l’obligation de tenir la durée s’ajoute, ­désormais, celle de paraître de plus en plus naturel, lors des captations par des caméras haute définition.


© Mondadori Portfolio/Giorgio Lotti/Bridgeman Images & © Marion Kalter/All rights reserved 2024/Bridgeman Images

De Mirella Freni à Natalie Dessay… Mêmes gestes précis et appliqués, chez les deux sopranos, pour sublimer des lèvres bénies des dieux. Mais, aussi, le contraste entre deux époques : quand l’une laisse à peine deviner, sur le visage de l’Italienne (1935-2020), saisie, au début des années 1970, par l’objectif du photographe Giorgio Lotti, les coulisses de la machine à rêve, l’autre expose sans fard, près de quarante ans plus tard, l’envers du décor, à travers l’image, reflétée par le miroir d’une loge tout sauf glamour, de la Française (née en 1965), cantatrice surdouée qui, avant de renoncer à la scène lyrique, n’aura eu de cesse de se définir comme l’anti-diva par excellence.


© DR

L’art de faire parler la poudre. Extrêmement codifié, le maquillage des visages, à l’Opéra de Pékin, doit permettre aux spectateurs d’identifier les personnages, dès leur entrée sur scène. Il utilise des symboles, des couleurs et des motifs concis, pour révéler leur caractère et leur identité sociale.

STÉPHANIE GATIGNOL

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