Intermezzo Le CNCS, des costumes aux décors
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Le CNCS, des costumes aux décors

01/08/2023
Éléments de décors de Cyrano de Bergerac à la Comédie-Française. © Nicolas Anglade

À Moulins, le Centre National du Costume de Scène s’est étoffé d’une extension très didactique dédiée à la scénographie théâtrale. Et s’est équipé de nouveaux espaces de réserve pour stocker ses pièces patrimoniales. Découverte.

Son logo rouge reste le même, seules quelques lettres ont changé.  Sur les bords de l’Allier, on ne visite plus le Centre National du Costume de Scène, mais « et de la Scène » depuis que l’institution « marche sur deux jambes » pour reprendre les mots de Jean-Luc Choplin, ex-directeur du Théâtre du Châtelet, désormais à la tête du Lido 2, qui préside son conseil d’administration.  

En 2006, lorsque le CNCS ouvre ses portes dans une ancienne caserne militaire du XVIIIe siècle, sa vocation est de conserver et de montrer par roulements un fonds de 8500 tenues déposées par l’Opéra National de Paris, la Comédie-Française et la Bibliothèque Nationale de France. Une trentaine d’expositions et un million de visiteurs plus tard, il s’enrichit d’une aile nouvellement réhabilitée, « La Scène ». Où l’on explique au grand public comment l’aménagement de la scène et des décors d’un spectacle prennent tournure, de l’instant où un scénographe les imagine, jusqu’à leur matérialisation sur les planches.


L’entrée de « La Scène ». © Joël Bonnard

L’extension occupe le rez-de-chaussée d’un bâtiment jadis dévolu aux écuries et chambrées des cavaliers. Dès l’entrée, un film de 17 minutes donne la parole à des figures de la profession. De générations et d’esthétiques différentes, Yannis Kokkos, Robert Carsen, Louise Sari, Éric Soyer et Chantal Thomas y partagent leurs approches. Après ce préambule, le parcours se déploie en trois actes : L’atelier du scénographe. Les métiers. La scène. Pas de longs cartels d’explication, il s’agit de privilégier le concret, en s’appuyant sur la conception d’un succès : le Cyrano de Bergerac mis en scène par Denis Podalydès à la Comédie-Française, en 2006.  La pièce a raflé six Molière, dont celui du meilleur décorateur-scénographe pour Éric Ruf : un coup d’essai et de maître pour l’actuel administrateur du Français.

De l’idée à sa concrétisation

Chacun peut, alors, s’asseoir autour de son « bureau », un long plan de travail en bois où sont disposés storyboards, croquis, extraits de la captation… et dessiner, toucher, feuilleter les documents. « Il est difficile d’associer le spectacle vivant et le musée, explique Delphine Pinasa, la directrice du CNCS. Les artistes le perçoivent comme un univers un peu figé et rechignent à y entrer, ils ne veulent pas que l’objet soit sacralisé. D’où cette présentation très accessible, comme si le scénographe venait de quitter les lieux. » Tout autour, neuf maquettes retracent une brève histoire de l’architecture théâtrale, rappellent les différentes typologies de scènes.  Dix autres illustrent les variations inspirées par une même œuvre, en reprenant des scénographies d’Hamlet exécutées entre 1886 et 2018. Une maquette élaborée pour Madama Butterfly, offre encore d’appréhender le fonctionnement d’une cage de scène.


Delphine Pinasa. © Nicolas Anglade

La séquence suivante marque le passage de la conception à la réalisation en volume. Nous voilà plongés dans les espaces techniques chargés de la fabrication d’un décor. Aux murs, courant sur neuf mètres de haut, d’imposants rayonnages alignent les objets façonnés pour Cyrano : ici, les cuivres de Ragueneau, le rôtisseur-ami des poètes ; là, des poulets et cervidés criants de vérité, les canons de la bataille d’Arras… Au sol, des meubles roulants parsemés d’outils, plans, échantillons, tissus évoquent tous ces menuisiers, serruriers, tapissiers, sculpteurs, service lumière, etc. qui héritent de la gageure de concilier l’esprit de création et les contraintes du plateau. On se familiarise avec leur vocabulaire, avec les nœuds qui servent à tenir les décors, toujours avec la permission de manipuler. Un représentant de l’atelier des matériaux composites de l’Opéra Bastille évoque, en vidéo, la nécessité « de savoir passer d’un travail très minutieux à la grosse cavalerie ». Une accessoiriste loue, elle, l’absence de routine dans une profession où aucune demande n’est incongrue… pas même celle de confectionner un lit de 24 matelas pour La Princesse au petit pois.

Les costumes moins à l’étroit

Malin, le parcours permet d’appréhender le résultat final en s’appuyant sur le décor grandeur nature de la scène du Baiser dans Cyrano. Ceux qui ont eu la chance d’applaudir la pièce, se souviendront que Roxane s’envolait, alors, littéralement de plaisir depuis son balcon : ils pourront découvrir le dispositif qui permit sa lévitation, car c’est, là encore, un espace à s’approprier. Chacun peut y déambuler, se déplacer de jardin à cour et découvrir les rideaux, les cintres, la case à décors, la régie…, guidé par une voix enregistrée et des halos de lumière. Le travail d’Éric Ruf devrait rester en place au moins un an avant qu’une scénographie d’un spectacle du chorégraphe Philippe Decouflé ne prenne le relais. Avec, en ligne de mire, une volonté du CNCS d’établir un dialogue avec ses expositions de costumes.


Les nouvelles réserves du CNCS. © Nicolas Anglade – ATELIERS ADELINE RISPAL, architectes scénographes

Après cette immersion dans l’envers du décor, gageons que les futurs spectateurs vivront autrement les pièces, opéras ou ballets auquel ils assisteront. Et Delphine Pinasa n’exclut pas d’éveiller des vocations : « En 2017-2018, notre exposition sur les Artisans de la Scène avait énormément plu. Et si la France avait, un temps, un peu oublié ses métiers manuels, elle remet ses savoir-faire à l’honneur. » La directrice se félicite que la réhabilitation du bâtiment ait permis d’aménager 1300 m² de réserves supplémentaires. Car avec 10 000 costumes (soit 26 000 objets) dans ses compactus, le centre parvenait à saturation : ses capacités de conservation augmentent ainsi très significativement.

L’Opéra, principal pourvoyeur

Toujours alimenté par ses trois institutions fondatrices, il s’enrichit aussi grâce aux dons de compagnies, d’artistes et procède, parfois, à ses propres acquisitions. Si l’Opéra National de Paris reste, avec 6000 dépôts, son plus gros pourvoyeur, des costumes imaginés par Christian Lacroix pour Adriana Lecouvreur, à l’Opéra de Francfort, ou Cendrillon mis en scène par Benjamin Lazar, à l’Opéra-Comique, ont été accueillis ces dernières années. Ceux de Die Zauberflöte par Benno Besson sont attendus. Côté lyrique, « le CNCS a aussi intégré, grâce à des dons de particuliers, plusieurs fonds de costumes d’artistes lyriques des années 1930-1950. Ils n’appartenaient pas à de très grands noms de l’opéra, mais ils forment petit à petit, un état des tenues de l’époque. » L’extension du stockage était d’autant plus nécessaire que le champ d’action du centre concerne aussi le music-hall et le cabaret, auxquels il dédiera une exposition dès décembre. D’ici là, celle en cours s’attache à la marionnette. Dont les apparitions dans des œuvres de danse, de théâtre ou d’opéra méritent aussi un passage en revue.

STÉPHANIE GATIGNOL

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