Intermezzo La Callas à 360°
Intermezzo

La Callas à 360°

18/07/2022
© Jam Capsule

En s’appuyant sur des projections monumentales et une acoustique spatialisée, le dispositif culturel immersif Jam Capsule offre une proximité inédite avec Maria Callas, le mythe, la femme. L’écrin est à la hauteur de l’éclat de ce diamant noir.

De l’extérieur, la « capsule » ne laisse deviner que ses mensurations : 40 mètres de long, 25 de large, 12 de haut. En pénétrant à l’intérieur de la structure, le public découvre l’ovale imposant d’une toile de projection à 360°. Comme à l’opéra, tous les spectateurs sont priés d’éteindre leur portable, mais aucun siège numéroté ne les attend. Chacun vivra l’expérience comme il l’entend – debout, allongé, assis en tailleur ou sur son propre tabouret. On encourage même l’assistance à se déplacer pendant les 50 minutes que va durer l’immersion. Pour en jouir à sa guise et sous tous les points de vue.

Lorsque Maria Callas apparaît en maxi format, c’est au micro d’un journaliste, répondant à des questions sur sa naissance en 1923, et sur l’origine de ses nombreux prénoms. Retour aux sources ; premières archives… Mais nous voilà déjà au soir du 19 décembre 1958, où la diva se produit, pour la première fois, au Palais Garnier devant un parterre de VIP. Le Tout-Paris se presse au gala-évènement diffusé en Eurovision ; même Bardot est, là, au bras de Sacha Distel, son cavalier de l’époque.

Maria by Callas, l’expérience © Jam Capsule

Soudain, dans la capsule, la couleur explose ! Les parois se drapent de velours écarlate ; le sol s’habille d’un damier. La cantatrice en fourreau descend d’un escalier telle une déesse de l’Olympe, puis entonne « Casta Diva ». Et comme à Paris, en cette nuit mémorable, elle polarise tous les regards.

Tous au premier rang

D’emblée, nous voilà rassurés. Le contenu ne cède pas à la facilité d’une compilation d’arias : il raconte. Tom Volf, son réalisateur, a subtilement entrelacé les éléments biographiques et les prestations sur scène pour que l’art et la pédagogie puissent s’exprimer en duo. L’homme n’est pas un inconnu. À 36 ans, il en a passé cinq à courir le monde pour interroger les proches de la soprano, collectant, au passage, un monceau de photos personnelles, d’enregistrements, de témoignages inédits. Cette somme documentaire a déjà nourri trois ouvrages, un long métrage, une exposition à la Seine Musicale en 2017, et une pièce de théâtre. Autant de supports animés d’une même volonté : « Je voulais restituer l’émotion éprouvée par les privilégiés qui ont eu chance de l’applaudir ou de l’approcher », explique-t-il. Cette émotion rare que lui-même a ressentie, en 2013, lorsqu’à la faveur d’une vidéo sur YouTube, il a « rencontré » cette voix à nulle autre pareille.

Tom Volf

Une présence intimidante

La bulle Jam Capsule apporte à sa démarche un souffle nouveau. En enveloppant l’auditoire d’images XXL et d’un tourbillon de sons, elle l’entraîne dans une communion particulièrement intime avec l’icône. Qu’elle campe Madama Butterfly, Medea devant la caméra de Pasolini, ou joue avec son caniche adoré, Callas nous livre les expressions de son visage, ses gestes, ses doutes, ses chagrins, ses éclats de rire avec une présence presque… intimidante. C’est un peu comme si nous étions tous au premier rang et, elle devant nous, nous prenant à témoin de ses envolées d’orfèvre, de son sens de la dramaturgie et de sa quête d’absolu.

L’atmosphère de confidence ne cède jamais au racolage. Onassis est là, Jackie Kennedy aussi ; ils font partie du tableau. Le couple people se marie à Skorpios, mais sans jamais voler la vedette à la prima donna. Il n’y a qu’elle qui compte, elle et son âme, elle et cette puissance d’évocation qui rendit ses lettres de noblesse au bel canto, elle et son effet chair de poule.

Fidèle à la philosophie qui irrigue son travail, Tom Volf laisse l’intéressée s’exprimer par ses propres mots. Aux commentaires extérieurs, il a, cette fois encore, préféré le recours à ses lettres (lues par Fanny Ardant), et aux films super 8 tournés par ses proches. « C’est ce point de vue interne qui m’a toujours passionné, dit-il, et je demeure convaincu qu’il reste le plus intéressant ».

Diva sans tralala

Maria by Callas, l’expérience © Jam Capsule

Au bout du compte, toutes les sensibilités peuvent se retrouver dans une « expérience » qui fait entendre, de concert, le timbre exceptionnel et la voix intérieure d’une femme totalement vouée à son art. Les connaisseurs qui savent le génie de Callas, approfondissent, chemin faisant, la relation avec Maria en (re)découvrant combien ces deux faces d’une même pièce furent si distinctes et si indissociables. Les néophytes, que le destin hors norme de la prodige grecque a attirés, se frottent à son exigence de perfection, à sa virtuosité. Et peut-être y trouveront-ils les clés d’une écoute plus approfondie. Quant aux mômes en âge d’accompagner leurs parents, ils s’amuseront de cet improbable numéro du 38e gala de l’Union des Artistes en 1971, où la Divina se laisse bousculer par un éléphanteau facétieux. Loin des drames sur papier glacé, loin de la triste fin à 53 ans, dans la solitude de son appartement parisien, Callas nous est rendue dans sa simplicité solaire. Infiniment touchante, malgré la hauteur de son piédestal.

STÉPHANIE GATIGNOL

À voir :

Maria by Callas, l’expérience de Tom Volf, Jam Capsule, Paris Expo Porte de Versailles, hall 5.3, actuellement.

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