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« Blow Up », la série qui décortique le cinéma

27/07/2022
Tom Hanks dans Philadelphia (1993)
Tom Hanks dans Philadelphia (1993) © Sony Pictures

Amateur de musique et de cinéma ? Vous devez sûrement connaître « Blow Up » ! Disponible sur le site d’Arte en accès libre, ce web-magazine « pose un regard ludique et décalé sur le cinéma ». De nombreux internautes sont déjà conquis.

« Parce que l’actualité du cinéma, ce ne sont pas seulement les news, les entretiens, les critiques, et les chiffres du box-office… Parce que Vertigo, Antonioni et la Cinémathèque française d’accord, mais aussi La Folle journée de Ferris Bueller, Chuck Norris et le centre commercial Vélizy 2… Parce que cinéastes, vidéastes, plasticiens, musiciens, écrivains (et internautes !) sont invités à nous rejoindre… Parce qu’imaginer un espace de création collectif pour parler du cinéma autrement est possible… Bref, parce que jouer avec les images, les détourner et les fétichiser… Branchez-vous sur Blow up – L’actualité du cinéma (ou presque) », peut-on lire sur la page d’accueil de l’émission. Le ton est donné.

« Blow Up », c’est une ode au septième art. Et la passion qui anime son réalisateur, Luc Lagier, le dénominateur commun à tous les épisodes. Une passion palpable. Et qui paie : l’émission a fêté ses 10 ans en 2020. Au fil des numéros, Luc Lagier – qui écrit, et fait office de voix-off, à l’humour pince-sans-rire, pour la majeure partie des épisodes – et son équipe ne cessent de nous rappeler avec force conviction que le cinéma, reflet fidèle ou fantasmé du monde, aborde toutes les facettes de notre existence (comme l’opéra, dans une certaine mesure).

Au programme, des centaines de vidéos faites d’extraits cinématographiques et d’anecdotes autour d’une thématique choisie, allant de la biographie de cinéastes aux génériques de films, en passant par les B.O. de films cultes commentées par Thierry Jousse, et les filmographies d’acteurs tels qu’Audrey Hepburn, Françoise Fabian, Montgomery Clift ou Penelope Cruz. Regardez plutôt l’extrait ci-dessous pour vous rendre compte de la variété des contenus développés.

Des compositeurs classiques à l’honneur

Comme pour « Gymnastique », certains épisodes ont particulièrement attiré notre attention. C’est le cas des numéros – à la croisée des arts – consacrés à la place des compositeurs classique au cinéma, à l’instar de Mozart, Verdi, Wagner, Vivaldi, Bach, Schubert, ou encore Beethoven, qui traitent de l’utilisation de leurs œuvres dans le septième art, en faisant un focus sur les cinq passages préférés du réalisateur. De Mozart, on retiendra en particulier Amadeus (1984) de Milos Forman, qui n’a pas pris une ride. Le film aux 8 Oscars et 4 Golden Globes fait du jeune prodige, incarné par Tom Hulce, un génie un peu fou, immature et impertinent, quoique attachant. Face à lui, F.Murray Abraham campe un Salieri austère et terriblement jaloux de son supposé rival, par lequel il est certes encore éclipsé aujourd’hui, alors même qu’il est l’auteur de quelques trois cent cinquante oeuvres – concertos, oratorios et opéras, dont le plus célèbre est peut-être L’Europa riconosciuta, joué lors de l’inauguration du Teatro alla Scala de Milan en 1778, et repris en 2004, à l’occasion de la réouverture du théâtre après travaux, avec une Diana Damrau très en forme, qu’on peut entendre ici dans un air enregistré en 2006, pour son récital « Arie di bravura »(Erato), consacré à Mozart, Salieri et Righini.

Mais revenons à nos moutons avec la scène présentée dans l’épisode, où Salieri assiste un Mozart souffrant et alité dans la composition de son Requiem, mettant en évidence le talent sans pareil de ce dernier.


Salieri (F.Murray Abraham) assiste Mozart (Tom Hulce) dans la composition du Confutatis de son Requiem dans le film Amadeus de Milos Forman

Salieri (F.Murray Abraham) assiste Mozart (Tom Hulce) dans la composition du Confutatis de son Requiem dans le film Amadeus de Milos Forman

Chez Verdi, Julia Roberts assiste, les yeux humides à une représentation de La traviata avec, en fond sonore, le poignant « Amami, Alfredo« , supplique de Violetta adressée à Alfredo, dans l’iconique Pretty Woman (1990) de Garry Marshall, quand Romy Schneider reste impassible, hiératique, le port de tête altier, depuis la loge royale de la Scala, alors que le peuple italien la défie, en entamant le symbolique « Va pensiero » de Nabucco, dans Sissi face à son destin (1957) d’Ernst Marischka.

Si, dans l’épisode consacré à Wagner, le prélude de Parsifal accompagne une déclaration d’amour dans Les Amours imaginaires (2010) de Xavier Dolan, celui de Lohengrin se retrouve dans la scène à la fois absurde, poétique et tragique du Dictateur (1940), où Charlie Chaplin joue avec un globe terrestre gonflable qu’il fait virevolter dans son bureau. Enfin, l’extrait de Melancholia (2011) de Lars von Trier revêt des allures d’apocalypse d’une puissante force esthétique grâce au prélude de Tristan und Isolde.

La Callas, encore et toujours

Celle dont le talent de tragédienne et la voix chargée d’émotion – témoignage audible d’une fêlure intime – ont séduit de nombreux cinéastes, fait l’objet d’un épisode entier. Sont évoqués le documentaire de Tom Volf, Maria by Callas, sorti en 2017, mais aussi, évidemment, Medea (1969) de Pier Paolo Pasolini, ainsi qu’une liste assez exhaustive des films où l’on peut entendre la Divina dans différents airs d’opéra – « Casta Diva » de Norma en tête -, depuis Sur la route de Madison (1995) de Clint Eastwood, jusqu’à Avengers : L’Ère d’Ultron (2015) de Joss Whedon, en passant par Saint Laurent (2014) de Bertrand Bonello, avec le regretté Gaspard Ulliel, La Belle personne de Christophe Honoré (2008), ou encore Callas Forever (2001) de Franco Zeffirelli (2001), où Fanny Ardant incarne la cantatrice.

L’épisode se conclut sur une scène émouvante de Philadelphia (1993) de Jonathan Demme (1993) : Andrew (Tom Hanks) fait écouter à Joe (Denzel Washington) son air d’opéra favori, « La mamma morta », issu d’Andrea Chénier de Giordano, chanté, donc, par la Callas. Tout se fait écho dans cette scène : la musique vériste de Giordano, la voix aux inflexions dramatiques de Callas, le livret commenté par le personnage d’Andrew et la situation de ce dernier (atteint du VIH, il se sait condamné). Autant d’éléments qui viennent accroître l’intensité de cette séquence hors du temps. Andrew s’exprime ici par le truchement de la musique et l’on retiendra les dernières images, saisissantes, où, les larmes aux yeux, il traduit les dernières paroles de l’air, sur le chant de Maria Callas : « Je suis l’Amour ! L’Amour ! »

Dans une interview récente au New York Times, Tom Hanks déclarait pourtant qu’il n’accepterait pas ce rôle aujourd’hui en expliquant :  « je ne pense pas que les gens accepteraient l’inauthenticité d’un hétéro jouant un gay », et d’ajouter qu’à l’époque, « l’une des raisons pour lesquelles les gens n’avaient pas peur de ce film était que je jouais un homosexuel ». De quoi alimenter le débat qui fait rage outre-Atlantique sur la possibilité ou non pour un acteur d’incarner un personnage d’une autre orientation sexuelle que la sienne…

Marilyn Monroe dans Les hommes préfèrent les blondes (1953) d’Howard Hawks © DR

Enfin, il serait injuste de ne pas mentionner l’épisode sur les B.O. de Marilyn Monroe – un des derniers publiés – véritable hommage empreint de lyrisme, déclaration d’amour du réalisateur à cette icône hollywoodienne, dont on commémorera les 60 ans de la disparition début août.

On vous invite à poursuivre cette chasse au trésor sur le site d’Arte, afin de découvrir, ou redécouvrir, des films dont les extraits présentés agiront, pour certains, comme une madeleine de Proust, vous autorisant un moment de douce nostalgie.

MAXIME PIERRE

À voir :

« Blow-up » sur Arte.tv et sur la chaîne Youtube de l’émission

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