Salle des Combins, 16 juillet
Si Verbier voit, chaque été, depuis 1994, réunies les vedettes et étoiles montantes de la scène lyrique et classique, le Festival a proposé, pour ce Don Giovanni, une distribution particulièrement réussie.
Sans fouiller particulièrement les personnages ou l’action, la mise en espace de David Sakvarelidze a le mérite de donner aux interprètes davantage de liberté qu’une version de concert classique, et de favoriser l’incarnation des rôles. On est, en revanche, bien moins convaincue par le dispositif vidéo conçu par Aline Foriel-Destezet – qui se prête pour la première fois à l’exercice.
Tours en béton (qui rappellent celles d’Ivo van Hove, à l’Opéra National de Paris…), mais aussi quelques tableaux classiques servent de décor, et on ne voit pas bien en quoi ces images éclairent l’œuvre. Si les premières minutes laissent croire que l’on assistera à une relecture très contemporaine de Don Giovanni, au milieu de tags et d’immeubles bétonnés, on est vite détrompée : car si Leporello est bien en jogging et sweat à capuche, les autres sont en tenue de concert on ne peut plus classique.
Incarnant l’un de ses rôles fétiches, Peter Mattei livre une prestation absolument remarquable. Son Don Giovanni nerveux, tendu, plus viscéral que séducteur ou manipulateur, est servi par une voix superbe et des récitatifs dits avec un naturel idéal.
Olga Peretyatko retrouve, elle aussi, avec Donna Anna, un personnage qu’elle connaît bien : on entend une solidité technique et une élégance du chant qui lui assurent un succès mérité auprès du public. Son autorité vocale et scénique crée un beau contraste avec le Don Ottavio sensible de Bogdan Volkov, qui relève le pari difficile de concilier l’émotion et la vaillance.
Le Leporello de Mikhail Petrenko, en revanche, déçoit un peu : s’il possède le relief comique du personnage, sa voix manque de rondeur et d’éclat, et il n’échappe pas à quelques décalages avec l’orchestre. Le Masetto de Julien Van Mellaerts et la Zerlina d’Anna El-Khashem sont, au contraire, de bonnes surprises, avec des voix jeunes et déjà assurées, Alexandros Stavrakakis campant un Commandeur à la fois solide et glaçant.
Magdalena Kozena, pour ses premiers pas en Donna Elvira, possède un aigu puissant, sonore, qui compense un médium un peu moins dense. Son personnage habité, plein de dignité et de profondeur, méritera d’être revu dans une mise en scène.
Les stagiaires du VFA Atelier Lyrique forment un chœur volontaire et énergique, tandis que les musiciens de l’orchestre (Verbier Festival Chamber Orchestra) font preuve d’un enthousiasme et d’un engagement évidents.
Gabor Takacs-Nagy souligne les rugosités de la partition et ses couleurs sombres (solos de basson, violoncelles et contrebasses acérés, cuivres très présents), ce qui fonctionne dans les pages les plus tragiques de l’œuvre. D’autres moments auraient mérité plus de souplesse et de délicatesse, afin de rendre le lyrisme et l’émotion qui ne manquent pas dans Don Giovanni.
CLAIRE-MARIE CAUSSIN