Concerts et récitals Reines belcantistes à Paris
Concerts et récitals

Reines belcantistes à Paris

07/04/2023
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Théâtre des Champs-Élysées, 21 mars

Pouvions-nous espérer duo plus flamboyant que celui formé par Marina Rebeka et Karine Deshayes, pour fêter l’arrivée du printemps ? Déjà réunies, l’an dernier, sur la scène du Théâtre des Champs-Élysées, toujours par « Les Grandes Voix », pour une version de concert d’Anna Bolena, la soprano lettone et la mezzo française sont quasiment sans rivales aujourd’hui, pour restituer les splendeurs du bel canto romantique.

L’une et l’autre sont en capacité de soutenir l’amplitude des registres, de sculpter d’interminables phrases sur le souffle et de donner aux textes toute la puissance théâtrale attendue. Leurs timbres adamantins, moelleux, s’unissent subtilement et leurs approches musicales sont absolument similaires.

La première partie est consacrée à Donizetti. Dans le douloureux air d’entrée de Maria Stuarda (« O nube ! che lieve »), Marina Rebeka sait se montrer frémissante et blessée, avant de sortir ses griffes dans la cabalette (« Nella pace del mesto riposo »). Avec la cavatine d’Elisabetta (« Ah ! quando all’ara scorgemi »), tirée du même opéra, Karine Deshayes, drapée dans une solennelle dignité, traduit à merveille le trouble qui agite cette reine au caractère implacable, dont elle maîtrise la tessiture, grâce à une technique affûtée.

L’accès de démence qui traverse l’esprit d’Anna Bolena offre à Marina Rebeka le champ libre pour exprimer, de sa longue voix aux accents pourtant éthérés, toute la mélancolie contenue dans le cultissime « Al dolce guidami », qu’elle nimbe d’une atmosphère nacrée. Karine Deshayes revient pour l’air de Giovanna Seymour (« Per questa fiamma indomita »), qu’elle est sans doute la seule, aujourd’hui, à chanter aussi impeccablement.

Puis soprano et mezzo se lancent dans le grand affrontement entre Anna et Giovanna (« Dio, che mi vedi in core »), temps fort attendu du concert. Galvanisées par la présence de la cheffe italienne Speranza Scappucci, toujours idéale dans ce répertoire, à la tête de l’Orchestre de Chambre de Paris, Marina Rebeka et Karine Deshayes atteignent des sommets d’interprétation, survolant avec aisance les pièges d’une écriture escarpée, tout en révélant la nature profonde de ces héroïnes désespérées, avec une bouleversante intensité dramatique.

Après l’entracte, Rossini et Bellini sont à l’honneur. Une brillante exécution de l’Ouverture de Semiramide laisse la place au duetto entre Elisabetta et Matilde (« Non bastan quelle lagrime »), issu d’Elisabetta, regina d’Inghilterra : un véritable moment de grâce, abordé avec une sérénité vocale absolue par ces deux reines en exercice.

Admirable dans la pyrotechnie de Semiramide (« Bel raggio lusinghier »), Karine Deshayes se montre tout aussi convaincante en Adalgisa (le duo « Mira, o Norma… Si, fino all’ore estreme »), Marina Rebeka livrant, au préalable, un « Casta diva » au legato nourri et aux reflets délicatement argentés.

Pour répondre aux saluts enthousiastes du public, les deux cantatrices reviennent dans Le nozze di Figaro, avec un délicieux « Sull’aria » (Karine Deshayes en Comtesse Almaviva, Marina Rebeka en Susanna), avant de reprendre, avec un élan jubilatoire, « Si, fino all’ore estreme ».

FRANÇOIS LESUEUR


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