Concerts et récitals Otello à Bad Wildbad
Concerts et récitals

Otello à Bad Wildbad

06/09/2025
© Magdalena Kiwior

Trinkhalle, 26 juillet

En 1820, Rossini révisa son Otello (Naples, 1816) pour une reprise romaine. Évidemment, dans la ville papale, un « féminicide » sur scène n’eût pas été toléré, et s’imposa au compositeur la nécessité de remplacer la fin tragique par un improbable lieto fine où, la trahison de Iago découverte, Desdemona est sauvée in extremis. On peut se demander en revanche ce qui l’amena à retrancher de sa partition quelques-uns de ses plus beaux numéros pour les remplacer par des emprunts nettement plus conventionnels à des opéras antérieurs, lui faisant perdre une grande partie de sa cohérence et de son intérêt dramatique.

Ainsi du duettino où Desdemona se plaint de son sort à Emilia auquel il substitue l’air d’entrée d’Elisabetta, regina d’Inghilterra, de l’air de Rodrigo au deuxième acte qui disparaît au profit d’un air de sorbetto pour Emilia – celui en fait d’Isaura dans Tancredi –, ou de la chanson du gondolier qui donnait sa tonalité funèbre au dernier acte. Au deuxième, le récitatif qui introduit le duo des deux ténors est remplacé par un air assez banal de la Penelope de Cimarosa, sans doute emprunté au répertoire de Giovanni David qui assurait le rôle-titre pour ces reprises romaines. Et évidemment, à l’affrontement final entre les deux époux, après le renversement de la situation, se substitue le duo amoureux d’Armida, au texte à peine retouché, suivi par le vaudeville final de Ricciardo e Zoraide qui conclut l’opéra.

Pour assurer cette première absolue, Bad Wildbad a fait appel pour le rôle-titre à Francesco Meli, plus connu pour ses affinités avec le répertoire verdien. Choix paradoxal, car si le ténor a abordé quelques rôles rossiniens au début de sa carrière, son volume vocal exceptionnel le qualifierait plutôt pour la version originale où le rôle-titre était destiné au « barytenor » Andrea Nozzari. Tel quel, il offre toutefois une forte présence au personnage et une maîtrise assez satisfaisante de l’écriture du rôle, peu ornée. En Desdemona, Diana Haller, en pleine mutation de mezzo à soprano, laisse entendre un aigu assez tendu mais donne beaucoup d’expressivité aux passages lyriques, notamment dans sa scène avec prière du dernier acte. Belle voix à l’aigu facile, le ténor Juan de Dios Mateos manque toutefois un peu de caractère et de variété pour donner toute sa dimension à Rodrigo, le rival d’Otello, et ne se réveille quelque peu que dans leur affrontement du II. On attendrait une voix un peu plus centrale pour Iago, que le ténor chinois Anle Gou défend de façon juste correcte, quand dans le rôle épisodique d’Elmiro, Nathanaël Tavernier s’impose avec toute l’autorité requise, et Verena Kronbichler s’avère une agréable Emilia. 

À la tête de l’inépuisable Philharmonie Szymanowski de Cracovie et du chœur réduit à sa partie masculine – Rome oblige –, Nicola Pascoli soutient avec brio cette distribution cohérente et donne tout le relief possible à cette curieuse version « appauvrie » d’une des œuvres les plus originales du maître dont seul le deuxième acte sort à peu près indemne.

LFRED CARON

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