Markgräfliches Opernhaus, 13 septembre
Après le récital de Suzanne Jerosme, le concert du soir met encore les femmes à l’honneur, mais cette fois comme interprètes, chanteuses ou virtuoses du violon, dans une Venise du début du XVIIIe siècle qui leur donnait la possibilité, exceptionnelle à l’époque, de se produire dans des concerts publics. C’est en fait à un véritable récital à deux que nous avons assisté : Andrés Gabetta, menant de l’archet un Orchestre de l’Opéra Royal de Versailles debout, un peu en divo mais avec un indéniable charisme, joue avec Marina Viotti plus qu’il ne l’accompagne, et brille en solo dans plusieurs pièces concertantes, pour évoquer notamment la Signora Anna Maria, fameuse élève de Vivaldi.
Si le programme vocal, entièrement sacré, est lui aussi très vivaldien, avec le motet Canta in prato, le moins connu Ascende læta, et deux airs de Juditha triumphans, sa première partie offre un rare motet de Giovanni Porta (Volate gentes) ainsi que le Salve Regina de Porpora. Dans un habit semblant inspiré d’une tenue de pensionnaire, Marina Viotti déploie, en un chant éloigné de tout angélisme désincarné (sa posture rappelle d’ailleurs par moments la rockeuse qu’elle a été), la beauté d’un timbre rond, sensuel et chaleureux, d’une projection parfaite. Elle trouve des couleurs et des nuances particulièrement somptueuses dans le Salve Regina et dans l’air central d’Ascende læta, au superbe chiaroscuro. On admire aussi les vocalises, longues et toujours remarquablement nettes.
Pourquoi alors la mezzo suisse segmente-t-elle soudain certaines cadences, à rebours des préceptes de l’époque ? Dommage aussi qu’elle termine dans l’aigu, là aussi hors style, quelques cadences, et même au contre-ut pour le fameux « Armatae face et anguibus » de Juditha triumphans. Morceau final dont, par ailleurs, elle ose faire un étonnant moment participatif, qui fonctionne si bien qu’après deux rappels – le « Dopo notte » d’Ariodante de Haendel et, à l’orchestre, Les Sauvages de Rameau revus par Michel Corrette –, il sera bissé ! Un concert très excitant.
THIERRY GUYENNE
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